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Brochure "Union du peuple pour libérer la France" d'août 1940 ("Manifeste de Bordeaux")

En septembre 1940, le Parti communiste a diffusé dans la région de Bordeaux une brochure d'une vingtaine de pages intitulée "Union du peuple pour libérer la France".

Tirée à 300 exemplaires, cette brochure datée d'août 1940 a été rédigée par Charles Tillon. Membre du Comité central, ce dernier dirigeait l'action du Parti communiste clandestin dans tout le Sud-Ouest.

Sa diffusion visait deux objectifs : 1) faire connaître aux cadres locaux la position du Parti dans une France défaite et occupée par les armées allemandes, 2) leur permettre de diffuser sous forme de tract les textes composant cette publication.

En totale conformité avec la ligne fixée par la direction centrale, la brochure "Union du peuple pour libérer la France" accusait les gouvernements français des années 1930 d'avoir mené une politique étrangère prohitlérienne et antisoviétique, condamnait la guerre impérialiste de 1939-1940, célébrait l'action pacifiste des communistes pendant ce conflit, dénonçait le général de Gaulle et l'impérialisme anglais, plaidait pour un Gouvernement communiste qui négocierait la Paix avec l'Allemagne (libération nationale) et instaurerait un régime socialiste (libération sociale), et enfin témoignait de la fidélité des communistes français à l'IC et à l'URSS.

Autre thème significatif : la condamnation du Maréchal Pétain et de son régime. Un exemple, la brochure avait pour sous-titre "L'ordre nouveau c'est le fascisme".

Pour illustrer le contenu pacifiste, anglophobe et antipatriotique de cette publication d'août 1940, on citera un extrait dans lequel le Parti communiste donne sa définition du patriotisme :

"La vérité tragique est maintenant perceptible à tous les français honnêtes : les communistes accusés de trahison parce qu'ils s'opposaient aux plans criminels des 200 familles, condamnés à des siècles de prison pour avoir réclamé la paix quand elle était possible sans désastre, et pour s'être opposés à la transformation de la France en Dominion de l'Angleterre, les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes dont l'amour véritable de la Patrie exige que celle-ci soit libérée de ses exploiteurs et de ses traîtres."

Revenant sur l'action du Parti communiste au cours de la guerre de 1939-1940, Charles Tillon affirme que "les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes" en raison de leur action contre l'impérialisme anglais et de leur engagement en faveur de la paix avec les nazis !!!

Après cet éloge du patriotisme communiste, il appelle à libérer la France "de ses exploiteurs et de ses traîtres" autrement dit des capitalistes et des partisans de la guerre. Aucune référence aux Allemands qui devaient sûrement être... des touristes. 

On pourra aussi décrire la brochure "Union du peuple pour libérer la France" en mettant en avant deux caractéristiques marquantes de cette publication : une dénonciation obsessionnelle de l'antisoviétisme et une volonté manifeste de fasciser le régime républicain.

Sur le premier point, la brochure affirme, par exemple, que la France est entrée en guerre par haine de l'URSS !!!

Subtilité communiste : constatant l'échec de sa politique étrangère prohitlérienne et antisoviétique avec le refus de l'Allemagne d'attaquer l'URSS, la France a déclaré la guerre à Hitler puis s'est abstenue de toute offensive majeure sur le front Ouest pour inciter les Allemands à poursuivre leur invasion de la Pologne vers les territoires soviétiques.

Sur le second point, la brochure accuse le gouvernement français d'avoir profité de la guerre pour imposer à la classe ouvrière un "esclavage fasciste" !!! Autre accusation : pendant toute la durée du conflit le pouvoir exécutif a mené une "répression fasciste, anticommuniste" avec le soutien de "Blum" !!! Un dernier exemple, l'Union sacrée contre l'Allemagne nazie est dénoncée en ces termes : "cette politique d'union sacrée pro-hitlérienne et anti-soviétique" !!!

Exclu du PCF en 1970, Charles Tillon a évoqué la brochure "Union du peuple pour libérer la France", rebaptisée le "Manifeste de Bordeaux", dans ses livres publiés en 1977 (On chantait rouge) et 1991 (Les FTP, soldats sans uniforme).

En citant un long extrait de cette publication, il entendait montrer que les communistes bordelais s'étaient engagés dès l'été 1940 dans la lutte contre l'occupant allemand et que de fait ils s'étaient émancipés de la direction centrale et de ses textes qui ne disaient rien contre les Allemands en raison de sa soumission aux Instructions de Moscou.

Pour juger de la qualité de ce témoin dont les écrits ont servi de base aux historiens officiels pour affirmer que les communistes bordelais se sont engagés dans la Résistance dès l'été 1940, on reproduira trois phrases de cet extrait en mettant en gras la partie censurée :

1) "Depuis la venue d'Hitler au pouvoir, les bourgeoisies française et anglaise qui écrasaient le peuple allemand sous les exigences du traité de Versailles, contre lequel notre Parti luttait parce que ce traité impérialiste menait à de nouveaux conflits, firent preuve d'intérêt pour l'incendiaire du Reichstag".

2) "A la lumière de cette politique d'union sacrée pro-hitlérienne anti-soviétique, les événements fulgurants des derniers mois de la guerre prennent leur véritable signification".

3) "Couverts de sang français inutilement répandu, les responsables de guerre et Les organisateurs de la défaite n'entendent pas être jugés par le peuple."

On développera tous ces points dans un texte composé de cinq parties. Dans les Partie I et II, on montrera que le pacifisme du PCF a été constant pendant toute la durée de la guerre franco-allemandes de 1939-1940 et dans les premiers mois de l'occupation allemande.

Dans une troisième Partie, on suivra l'action de Charles Tillon sur la même période.

La quatrième Partie sera consacrée au traitement de la brochure "Union du peuple pour libérer la France" dans les deux ouvrages publiés par Charles Tillon en 1977 et 1991.
 
Dans une cinquième Partie, on analysera le contenu de cette brochure d'août 1940 et on mettra en évidence les oublis des livres de Charles Tillon.


Partie I

"Paix immédiate"

Le 1er septembre 1939, Hitler attaque la Pologne avec comme motif le refus du gouvernement polonais de satisfaire des revendications territoriales qu'il juge légitimes et limitées. Alliés des Polonais, la France et l'Angleterre réagissent le 3 septembre en déclarant la guerre à l'Allemagne nazie.

Moins de trois semaines après le début  des combats entre les armées françaises et la Wehrmacht, suivant des Instructions de l'Internationale communiste motivées par le Pacte germano-soviétique, le Parti communiste abandonne sa ligne favorable à la défense nationale pour s'engager en faveur de la Paix. Dissous le 26 septembre 1939, il poursuivra son action dans la clandestinité.

Sa position : la guerre est une guerre impérialiste et sa cause n'est pas le nazisme mais le capitalisme. Ses mots d'ordre : "A bas la guerre impérialiste", "Paix immédiate" et "L'ennemi est dans notre propre pays". Ses objectifs : la Paix et, pour en garantir la pérennité, la destruction du régime capitaliste. On peut les résumer d'une phrase : la Paix par la Révolution socialiste

Ces deux objectifs ont été fixés par l'IC dans un texte de son secrétaire général, Georges Dimitrov, diffusé en novembre 1939 sous le titre "La guerre et la classe ouvrière des pays capitalistes" :
 
"Les impérialistes des pays belligérants ont commencé la guerre pour un nouveau partage du monde, pour la domination universelle, en vouant à l'extermination des millions d'hommes. La classe ouvrière est appelée à en finir avec cette guerre à sa façon, dans son intérêt, dans l'intérêt de toute l'humanité travailleuse, et à supprimer, ainsi, à tout jamais, les causes essentielles qui engendrent les guerres impérialistes"


"Thorez au pouvoir"

Le 25 avril 1940, dans un article de Maurice Thorez publié dans l'Humanité clandestine sous le titre "Les Pitt et Cobourg de 1940", le Parti communiste appelle les Français à se mobiliser pour la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste :

LES "PITT ET COBOURG" DE 1940
Par MAURICE THOREZ
[...]
Ecoutez-les, ces représentants des 200 familles ! Ils défendent la France. Leur guerre, la guerre des capitalistes, c'est la guerre du droit, de la justice, de la civilisation, de l'indépendance.
Rien de neuf dans ces mensonges usés de 1914 à 1918. Mais leur cynisme ne connait aucune borne. Tandis qu'ils s'enrichissent du sang et de la misère du peuple de France, ils se présentent comme les défenseurs de la Patrie.
Tout ce qui ne s'incline pas devant leur malfaisance, leurs vols et leurs crimes, est jugé ennemi de la Patrie, traître, agent de l'étranger.
Quels sont-ils ces vertueux personnages ? Comment conçoivent-ils l'indépendance de la France ? Tout simplement à la façon de leurs ancêtres, les aristocrates de 1792.
"Pitt et Cobourg" tel était le qualificatif que le peuple de France décernait aux contre-révolutionnaires qui complotaient avec les ennemis de la France et de la Révolution, avec l'Autriche, le roi de Prusse et l'Angleterre.
Les "Pitt et Cobourg" de 1940 ne sont pas émigrés, ils ne sont pas en prison, ils dirigent momentanément, et pour son malheur, les destinées de la France. [...]
Quant à ceux qui exécutent les ordres des impérialistes de Londres, ils sont également légion. Notre Président du Conseil se distingue parmi ceux-là. Ce qu'on dit de l'alliance franco-anglaise est particulièrement insultant pour notre pays : "La France est un dominion de l'Angleterre". Le malheur est que c'est vrai et que les responsables se présentent encore comme les défenseurs de l'indépendance de la France.
En 1792, les "Pitt et Cobourg" avaient leurs girondins. En 1940, les "Pitt et Cobourg" ont les leurs. Les "Brissotins" s'appellent aujourd'hui Léon Blum [dirigeant de la SFIO], Paul Faure [secrétaire général de la SFIO], Jouhaux [secrétaire général de la CGT], Déat [secrétaire général de l'Union socialiste Républicaine]. [...]
Peuple de France, il faut nous débarrasser des "Pitt et Cobourg" de 1940. Notre pays mérite un autre sort que celui d'être cité comme l'exemple de la réaction et comme dominion de l'Angleterre. [...]
Le gouvernement que veut le pays n'est pas celui des "Pitt et Cobourg". C'est un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires, donnant des garanties contre la réaction, assurant la collaboration avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la paix générale.
Seulement un tel gouvernement assurera l'indépendance de notre pays en le libérant de la tutelle des agents du capital français et anglais.
Maurice THOREZ,
 secrétaire général du P.C.

Illustration de cette nouvelle orientation, le mot d'ordre "Thorez au pouvoir". Est-il un meilleur choix qu'un déserteur pour négocier la Paix avec Hitler ?

Rappelons que Maurice Thorez a déserté au mois d'octobre sur les ordres de Moscou. Après un court séjour en Belgique, le secrétaire général du PCF s'est réfugié en Russie. Ce départ a été caché aux militants pour ne pas les démobiliser.

Deux remarques supplémentaires sur l'article.

Tout d'abord, sur le plan intérieur, le Gouvernement Thorez s'engage à libérer la France du capitalisme.  On retrouve ainsi les deux objectifs fixés par l'IC : la Paix et la Révolution socialiste.

Ensuite, logique communiste, le silence sur les ennemis allemands est compensé par une ferme condamnation des alliés anglais. 

Démonstration de l'anglophobie du Parti communiste, Maurice Thorez accuse le gouvernement français "d'exécuter les ordres des impérialistes de Londres", affirme que la France n'est qu'un "Dominion de l'Angleterre" et enfin appelle à libérer la France "de la tutelle des agents du capital français et anglais".


Offensive allemande de mai 1940

Le 10 mai 1940, l'Allemagne prend l'initiative sur le front Ouest en envahissant la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Après avoir percé le front français dans le secteur de Sedan le 13 mai, les divisions blindées allemandes foncent en direction de la Manche pour prendre à revers les unités françaises et le contingent anglais qui sont entrés en Belgique pour repousser la Wehrmacht. Victorieuse, cette première phase de l'offensive allemande se termine le 4 juin. Les armées françaises qui ne se sont pas engagées en Belgique constituent dans l'intervalle une ligne de défense sur la Somme et l'Aisne. Le 5 juin, les Allemands déclenchent la seconde phase de leur plan en attaquant sur la Somme puis sur l'Aisne quelques jours après. La ligne de défense française est rapidement enfoncée permettant ainsi aux unités allemandes d'avancer à l'Ouest, à l'Est et sur Paris, déclarée ville ouverte la capitale tombe le 14, puis de se répandre sur tout le Sud. Le 17 juin, jugeant la situation militaire catastrophique, le Maréchal Pétain, nommé la veille à la présidence du Conseil, demande l'armistice qui est signé le 22 juin.

Les combats de mai et juin 1940 sur le territoire français n'ont provoqué aucun changement dans la ligne pacifiste du PCF comme l'attestent tous les numéros de l'Humanité qui ont été diffusés au cours de cette période.

Un exemple de l'attitude des communistes, l'appel publié dans l'Humanité n° 47 du 17 mai 1940 sous le titre "Pour sauver notre pays et notre peuple de la misère, de la ruine et de la mort" :

"Le Parti Communiste a dit et répété que cette guerre a été provoqué par les capitalistes. Pour avoir réclamé la paix, avant que les massacrent ne commencent, des milliers de ses membres ont été jetés en prison, dans les camps de concentration ou dans les bagnes africains. D'autres sont menacés de la peine de mort ! [...]
Aujourd'hui où l'angoisse étreint des millions d'hommes et de femmes de notre pays le Parti Communiste dit, comme toujours, ce qu'il considère être l'intérêt des travailleurs et du peuple de France.
Le rétablissement de la paix, la sécurité et l'indépendance du pays, la liberté et le progrès social exigent que soit impitoyablement chassé le gouvernement des 200 familles qui a entraîné notre pays dans l'aventure présente. [...]
PEUPLE DE FRANCE ! Pour la paix, le pain, la liberté, l'indépendance, SOIS UNIS !
Lutte pour :
Un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires, prenant des mesures contre la réaction, un gouvernement qui s'entende sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix générale dans le monde."


Partie II

Gouvernement Pétain

Le 16 juin 1940, réfugié dans la ville de Bordeaux depuis deux jours, le Gouvernement Reynaud démissionne à 22 heures au terme d'un Conseil des ministres au cours duquel se sont une nouvelle fois affrontés opposants et partisans de l'armistice.

A la tête de ceux qui veulent mettre fin au conflit avec l'Allemagne et qui défendent au sein du gouvernement la même position que le Commandant en chef des armées françaises, le Général Weygand : le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil et ministre d'Etat. Ce dernier est aussitôt chargé par le Président de la République de former un nouveau gouvernement. Dans ce Gouvernement de Paix qui sera formé en moins d'une heure entreront deux représentants de l'Union Socialiste et Républicaine (USR), le parti de Marcel Déat, deux radicaux-socialistes (PRRRS), dont Camille Chautemps à la vice-présidence, et avec l'accord de Léon Blum deux socialistes (SFIO) qui étaient membres du cabinet démissionnaire : André Février et Albert Rivière. Unis avec le PCF dans une coalition appelée le Front Populaire, ces trois partis de gauche avaient remporté les élections législatives de 1936.

Parmi ceux qui veulent continuer de se battre contre les Allemands : le Général de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale et à la Guerre attaché à la présidence du Conseil. Après s'être illustré dans les combats contre la Wehrmacht à la tête de la 4e Division Cuirassée, ce dernier a rejoint le gouvernement le 5 juin 1940. N'ayant pas une fonction ministérielle, il n'assiste jamais au Conseil des ministres. En mission en Angleterre, il apprendra la démission du gouvernement à son retour à Bordeaux dans la soirée. Après la constitution dans la nuit d'un cabinet marquant la victoire du clan des défaitistes, il décide le lendemain matin de repartir pour Londres. Il s'embarquera dans l'avion ramenant en Angleterre l'envoyé spécial de Churchill, le Général Spears. Les Anglais espéraient la venue d'un homme politique de premier plan comme Paul Reynaud ou Georges Mandel pour poursuivre la guerre au nom de la France. Les circonstances leur imposeront un colonel nommé au grade de général de brigade à titre temporaire (2 étoiles) en mai 1940, un éphémère sous-secrétaire d'Etat, un homme inconnu des Français...


Demande d'armistice

Le 17 juin, en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil prononce à la radio une courte allocution dans laquelle il déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne ("il faut cesser le combat") avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Illustration de l'alliance germano-soviétique, quelques heures après cette annonce, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur allemand à Moscou, Friedrich Werner von der Schulenburg, pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes". (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940)

Le lendemain, à Londres, le Général de Gaulle s'exprime à la BBC pour condamner la demande d'armistice et appeler les Français à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand. Initiative d'un officier supérieur refusant la défaite quand tous l'acceptent, coup d'éclat motivé par son patriotisme, message d'espérance dans une France en pleine débâcle, l'Appel du 18 juin 1940 est l'acte fondateur de la Résistance française : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

A l'inverse de la position gaullienne, le Parti communiste, qui s'est engagé pour la Paix avec les nazis dès septembre 1939 en arguant que la guerre contre l'Allemagne d'Hitler était une guerre impérialiste, approuve la démarche du Gouvernement Pétain dans l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 qui présente la particularité de reproduire un communiqué... de la Wehrmacht :

"Tous les hommes qui constituent le gouvernement portent, à des titres divers, la responsabilité de la politique qui a conduit la France à la guerre, à la catastrophe. Le maréchal Pétain a dit qu'il faut tenter de cesser le combat. Nous prenons acte, mais le peuple prendra acte aussi du fait que si, en septembre dernier les propositions des députés communistes avaient été retenues, nous n'en serions pas où nous en sommes.
Les députés communistes qui, en septembre proposaient une paix qui auraient laissé intactes la puissance et l'économie française, en même temps qu'elle aurait épargné bien des vies humaines et des destructions, furent jetés en prison et aujourd'hui ceux qui ont fait cette criminelle besogne sont acculés à la paix après la défaite."

Soumis aux autorités allemandes comme un numéro modèle de l'Humanité légale, ce numéro rappelle que les députés communistes ont été emprisonnés parce qu'ils avaient demandé l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens" dans une lettre remise au président de la Chambre quelques jours après la victoire des armées allemandes et soviétiques en Pologne.


Armistice franco-allemand

Signé le 22 juin, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France. Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant les trois-cinquièmes de son territoire et comprenant sa capitale, le maintien en captivité de 1,5 million prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière pour les frais d'occupation dont le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs soit une somme absolument délirante relevant plus des réparations de guerre que de l'entretien d'une armée d'occupation.

Dans une allocution prononcée le lendemain à la radio de Londres, le Général de Gaulle déclare que cet armistice est une véritable "capitulation" et que de ce fait le Gouvernement Pétain a perdu toute légitimité :

"L'armistice accepté par le gouvernement de Bordeaux est une capitulation.
Cette capitulation a été signée avant que soient épuisés tous les moyens de résistance. Cette capitulation livre à l'ennemi qui les emploiera contre nos alliés nos armes, nos avions, nos navires, notre or. Cette capitulation asservit complétement la France et place le gouvernement de Bordeaux sous la dépendance immédiate et directe des Allemands et des Italiens. 
Il n'existe donc plus sur le territoire de la France métropolitaine de gouvernement indépendant susceptible de soutenir au dehors les intérêts de la France et ceux des Français."

Pour connaître la réaction du PCF à la défaite de la France et à l'occupation allemande qui en est la conséquence, il suffit de lire l'Humanité du 24 juin 1940 et son article leader intitulé... "Construire la paix" :

"L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre. LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France est un gouvernement capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de juin 1940 ne possède pas un [tel] gouvernement. [...]
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa liberté. [...]
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres : PLACE AU PEUPLE !".

Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.

Ajoutons quatre remarques supplémentaires.

Tout d'abord, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".

Ensuite, formulé dans le but de prouver que les communistes sont des pacifistes de la première heure, ce rappel est aussi une dénonciation implicite du Maréchal Pétain qui est accusé par la propagande communiste de n'être qu'un belliciste, autrement dit un agent du capitalisme français et anglais, dont l'engagement tardif en faveur de la Paix n'est qu'un opportunisme.

C'est d'ailleurs pour mettre en avant le bellicisme de ce dernier que le texte décrit le président du Conseil ainsi que les membres de son Gouvernement de Paix comme des "fauteurs de guerre" (impérialisme français) et des "valets de la Cité de Londres" (impérialisme anglais).

De plus, toujours dans le but de montrer que seul le projet pacifiste du Parti communiste est légitime, l'Humanité plaide pour une "paix équitable" ou encore une "paix véritable" par opposition à une paix inéquitable ou à une fausse paix négociée par le Maréchal Pétain.

Enfin, par son contenu, cet article est en totale conformité avec le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste ("LA PAIX C'EST LE SOCIALISME").
 
 
Appel du PCF

A la fin de juillet 1940, soit un mois après la signature de l'armistice franco-allemand, le Parti communiste clandestin lance un Appel au "Peuple de France".

Signé "Au nom du Comité Central du Parti Communiste Français" par Maurice Thorez et Jacques Duclos, secrétaire général et secrétaire du PCF, cet appel est un véritable plaidoyer pour la constitution... d'un Gouvernement de Paix communiste.

Pour justifier cette revendication et en même temps marquer la différence entre son projet pacifiste et celui du Maréchal Pétain, le Parti communiste affirme que seuls les communistes sont en mesure de négocier avec Hitler une "Paix dans l’indépendance complète et réelle de la France" ou encore "une paix véritable" car "seuls, les Communistes ont lutté contre la guerre".

Un dernier élément, cet appel est le tract le plus important diffusé par les communistes à l'été 1940.


Partie III

Charles Tillon

A l'entrée en guerre de la France en septembre 1939, Charles Tillon est membre du Comité central du Parti communiste français, responsable de la Région Paris-Nord du PCF et député de la Seine.

Trois semaines après le début du conflit, le Parti communiste est dissous en raison de son approbation du Pacte germano-soviétique, de son soutien à l'entrée des troupes soviétiques en Pologne et enfin de sa mobilisation en faveur de la Paix.

Dernière tribune légale du Parti, le groupe parlementaire communiste se mobilise dans les jours qui suive le partage de la Pologne entre la Russie de Staline et l'Allemagne d'Hitler pour demander dans une lettre adressée au président de la Chambre l'organisation d'un vote du Parlement en faveur de la Paix.

Jugeant que cette lettre est une infraction au décret de dissolution, la justice militaire engagera des poursuites contre tous les députés communistes.

Absent de son domicile par mesure de sécurité, Charles Tillon échappe à l'arrestation comme huit de ses camarades. Contraint à la clandestinité, il n'a aucune activité politique pendant plusieurs semaines.

En novembre, Benoît Frachon l'envoie à Bordeaux pour diriger l'action du Parti dans une zone couvrant une douzaine de départements allant de la Charente aux Pyrénées.

Responsable du PCF clandestin, ce dernier formulera un jugement positif sur le travail de Tillon dans une lettre du 20 janvier 1940 adressée à Jacques Duclos, secrétaire du PCF réfugié à Bruxelles :

"Pour Ch T. [Tillon] je crois qu'il faut le laisser encore un peu où nous l'avons mis et où il fait un excellent travail. Je pense que lui-même préfère cela. Ici il craignait un peu de sortir, de prendre des contacts. Là-bas, ça va beaucoup mieux. Je suis d'avis de le faire revenir, mais pas tout de suite". (1)

En février, Charles Tillon est déchu de son mandat de député par une Résolution de la Chambre votée en application de la loi du 20 janvier 1940 prononçant la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas rompu avec le PCF.

En mars-avril se tient le procès des 44 députés communistes mis en cause pour la lettre au président Herriot. Jugé par contumace, le député de la Seine est condamné à 5 ans de prison, peine maximale prévue par le décret de dissolution.

A l'été 1940, Charles Tillon est le principal dirigeant communiste dans la région du Sud-Ouest.

(1) Cahiers d'histoire de l'Institut de recherches marxistes,n° 52-53, 1993, p. 60.


Juin 1940

Dixième et dernier mois de la guerre franco-allemande, le mois de juin 1940 a été marqué par quatre événements majeurs.

Le 5, les Allemands ont lancé leur offensive sur la Somme. Le 10, l'Italie a déclaré la guerre à la France. Le 17, le Maréchal Pétain a manifesté au gouvernement allemand son désir de mettre fin au conflit. Le 22, l'armistice franco-allemand a été signé.

Sous la direction de Charles Tillon, les communistes bordelais ont été les seuls au sein de l'organisation communiste à réagir à chacun de ces événements en diffusant à chaque fois un tract signé « Le Parti communiste français (SFIC) » :

1) "Pour la Paix, le Pain, la Liberté, l'Indépendance !".
2) "Pour sauver notre pays !".
3) "Pour la Défense de la liberté et de l'Indépendance / Rassemblement".
4) "Appel au Peuple de France".

Réponses à l'invasion de la France par les armées nazies et fascistes, ces tracts appelaient tous à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste !!!
 

"Union du peuple pour libérer la France"

Après les quatre tracts de juin 1940, les communistes bordelais ont diffusé en septembre 1940 une brochure intitulée : "Union du peuple pour libérer la France".

Signée « Le Parti communiste français (SFIC) », cette brochure a été publiée dans Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943 (2012) de l'historien communiste Roger Bourderon sur la base d'un exemplaire conservé aux Archives départementales de la Gironde.

Sur la page titre on peut lire :

- un titre : "Union du peuple pour libérer la France".
- un sous-titre : "L'ordre nouveau c'est le fascisme".
- une citation : "Si le socialisme ne triomphe pas en Europe, la paix entre les états capitalistes ne sera qu'une trêve, qu'une interruption dans la préparation de nouveaux carnages. (Lénine1918)".
- une date : "AOUT 1940". (1)

En s'appuyant simplement sur cette première page, on peut constater que cette brochure d'août 1940 appelle les Français à se rassembler pour libérer la France du capitalisme synonyme de guerre et instaurer un régime socialiste synonyme de Paix.

On peut résumer ce projet en une phrase : la Paix par la Révolution socialiste.

On notera que c'est le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit et que la défaite de la France n'a donc provoqué aucun changement dans la ligne du PCF.

Une différence cependant avec la période antérieure, le Gouvernement Pétain incarne une version fasciste du régime capitaliste.

D'une vingtaine de pages, la brochure "Union du peuple pour libérer la France" est composé d'un seul texte intitulé : "« L'Ordre nouveau » du Gouvernement de la 5e colonne, c'est le fascisme hitlérien !".

Ce texte se divise en deux parties. La première est consacrée à l'avant-guerre, à la guerre et à la défaite. La seconde est une série d'appels s'adressant successivement aux "Prolétaires de France", aux "Ouvriers, ouvrières", aux "Paysans de France" et enfin aux "Travailleurs socialistes", aux "Républicains" et aux "Catholiques".

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 81.


Partie IV

"Manifeste de Bordeaux"

Ancien dirigeant des Francs-tireurs et partisans, bras armé de la Résistance communiste, Charles Tillon a évoqué son action pendant la Seconde Guerre Mondiale dans Les FTP (1962) et dans deux livres publiés après son exclusion du PCF en 1970 : On chantait rouge (1977) et Les FTP, soldats sans uniforme (1991).

Dans ces deux livres il affirmait qu'à l'été 1940 il avait organisé la Résistance communiste dans la région de Bordeaux et que de fait il s'était émancipé de la direction centrale du PCF qui était soumise à l'IC et à ses consignes respectueuses du Pacte germano-soviétique et qui avait même tenté de reprendre une activité légale dans les premières semaines de l'occupation.

Pour étayer ces affirmations, il mettait en avant trois documents : deux tracts rédigés le 10 et le 17 juin et une brochure préparée au mois de juillet.

Dans On chantait rouge cette brochure était mentionnée dans le chapitre "Manifeste de Bordeaux" :

"Bien avant l'entrée des occupants dans Bordeaux, je me sentais en état de révolte ouverte contre l'Internationale. Ses injonctions venues de Bruxelles, c'était l'acceptation de l'occupation. Or depuis le 17 juin, mon premier appel désignait notre ennemi, c'était l'envahisseur ! L'avoir dit de ma part n'était qu'un engagement politique. Il fallait à présent mettre les actes en accord avec les mots. [...]
Dans les premiers jours de juillet, j'avais convoqué les camarades sur qui reposait l'organisation clandestine pour les consulter et pour agir en liaison avec l'ex-secrétaire de l'Union des syndicats Leray qui, hélas, serait interné. [...]
La discussion renforçait notre résolution, effaçait nos angoisses communes. On bégayait le mot : Résistance. Il faudrait retrouvé ceux qui nous avait abandonnés dans la toundra où nous subissions le pacte germano-soviétique, et réorganiser le parti, ses liens, ses moyens; veiller plus que jamais au travail clandestin. Croire à la légalité avec l'hitlérisme ? Un suicide. Vainqueur il n'a pas changé de nature... L'accord établi, les camarades m'approuvèrent d'avoir entrepris la rédaction d'un bulletin d'information sur la fonction nouvelle et la lutte antifasciste nécessaire après les errements passés [1]. Il serait adressé à tous les militants restés fidèles dans la région Sud-Atlantique. J'étais sûr que Frachon, qui m'avait fait confiance, m'approuverait." (1)

La note "[1]" présentait le contenu suivant :

"Ce bulletin de 20 pages, intitulé L'ordre nouveau, c'est le fascisme hitlérien, existe dans son édition originale aux Archives de la Gironde ainsi qu'aux archives du Centre Jean Moulin de Bordeaux. Ce furent les camarades Sautel et la Georges Beyer qui en assurèrent le tirage après maintes difficultés éprouvées à s'en assurer les moyens. Plusieurs tracts furent édités, reprenant le thème du bulletin qui fut tiré à 300 exemplaires pour les cadres et diffusé dans les cinq départements dans les dernières semaines de juillet. Le lecteur en trouvera quelques passages en annexe du présent chapitre." (2)

A la fin du chapitre était reproduit sous l'intitulé "Manifeste de Bordeaux" un long extrait de ce bulletin qui débutait par un titre "« L'Ordre nouveau » du Gouvernement de la 5e colonne, c'est le fascisme hitlérien !" et se terminait sur les mentions suivantes : "Le Parti Communiste Français / Bordeaux, le 18 juillet 1940".

Trois remarques sur ce qui précède. Tout d'abord, le titre de la brochure. Charles Tillon réussit l'exploit de donner deux titres qui sont tous les deux erronés. Le premier, "L'ordre nouveau, c'est le fascisme hitlérien", correspond au sous-titre de la brochure. Le second, "Le manifeste de Bordeaux", est totalement absent du texte.
 
Ensuite, la date du "18 juillet 1940" n'apparaît sur aucune des pages de cette publication. La seule date mentionnée est celle de la page titre : "AOUT 1940"

Enfin, l'extrait cité est une juxtaposition de paragraphes tirés de la brochure. A de rares exceptions, les coupes dans les paragraphes ou entre les paragraphes ne sont pas indiquées. Certains paragraphes sont composés de phrases venant de différentes parties du texte. Enfin plusieurs phrases sont incomplètes.

Pour illustrer ce dernier point on citera trois exemples en mettant en gras la partie censurée :

1) "Depuis la venue d'Hitler au pouvoir, les bourgeoisies française et anglaise qui écrasaient le peuple allemand sous les exigences du traité de Versailles, contre lequel notre Parti luttait parce que ce traité impérialiste menait à de nouveaux conflits, firent preuve d'intérêt pour l'incendiaire du Reichstag".

On peut constater que dans le texte original, le PCF se flattait en pleine occupation allemande d'avoir combattu le Traité de Versailles dont l'abrogation avait formé la base du projet d'Hitler en politique étrangère.

2) "A la lumière de cette politique d'union sacrée pro-hitlérienne anti-soviétique, les événements fulgurants des derniers mois de la guerre prennent leur véritable signification".

L'Union sacrée désignait l'adhésion de tous les partis politiques à la guerre contre l'Allemagne avec une exception : le PCF.

On notera encore une fois la subtilité de l'argumentaire communiste qui associe la lutte contre les nazis à un engagement prohitlérien.

3) "Couverts de sang français inutilement répandu, les responsables de guerre et Les organisateurs de la défaite n'entendent pas être jugés par le peuple."

Pour le PCF, les responsables de la guerre n'étaient pas les Allemands mais les impérialistes français dont le bellicisme était tellement fanatique qu'ils avaient comme objectif... la défaite.

La diffusion d'une brochure à l'été 1940 était aussi évoquée avec quelques différences notoires dans Les FTP, soldats sans uniforme :

"Partout où survit l'espérance, il faut se recroqueviller et s'inventer une façon de se battre. Sans nouvelle, de Frachon, je reçois des informations de Paris par un cheminot. Les roulants disent que, dans la région parisienne, le PCF publie l'Humanité et réclame que la kommandantur lui rende ses municipalités comme un échange à valoir du respect du pacte germano-soviétique. Dans le Sud-Ouest la chasse aux militants continue et nos consignes exigent la plus stricte clandestinité en tout. Il me parait alors nécessaire d'énoncer une autre façon de se dire communiste sous l'Occupation, et de dire comment je vois les choses et les moyens de s'organiser. Je rédige donc, le 28 juillet 1940, une sorte de manifeste de vingt pages, avec pour titre :

L'Ordre nouveau du Gouvernement de la 5e colonne, c'est le fascisme hitlérien !

[Suit un extrait de la brochure. Cet extrait est tiré de celui publié dans On chantait rouge. Il représente 50% de ce dernier]

Je signe ce long manifeste qui cherche à répondre aux questions de l'heure au nom du parti communiste dont je reste le délégué du Comité central depuis 1939 [1]." (3)

La note "[1]" apportait les précisions suivantes :

"Ce bulletin existe dans son édition originale aux archives de la Gironde ainsi qu'aux archives du centre Jean Moulin de Bordeaux. Ce furent les camarades Louis Liard et la dactylo Paulette Lacabe qui en assurèrent le tirage après maintes difficultés éprouvées pour en assurer les moyens. Plusieurs tract furent édités, reprenant le thème du bulletin qui fut tiré à 300 exemplaires pour les cadres et diffusés dans cinq départements dès les premières semaines de septembre." (4)

Rappelons que le titre indiqué par l'auteur n'est pas celui de la brochure mais celui placé au début du texte.

En s'appuyant sur le second témoignage de Charles Tillon - plus conforme à la date d'août 1940 puisqu'il indique le 28 juillet comme date de rédaction - on peut soutenir que la brochure "Union du peuple pour libérer la France" (ce titre n'est jamais cité par l'ancien dirigeant communiste) a été diffusée à 300 exemplaires au début de septembre 1940 dans les départements du Sud-Ouest avec deux objectifs précis : faire connaître aux cadres communistes la position du Parti et leur permettre de diffuser sous forme de tract les textes composant cette publication.

(1) C. Tillon, On chantait rouge, 1977, pp. 304-306.
(2) Ibid. p. 306.
(3) C. Tillon, Les FTP, soldats sans uniforme, 1991, p. 23-25.
(4) Ibid. p. 25.


Partie V

La Paix par la Révolution socialiste

Pour Charles Tillon, son "Manifeste de Bordeaux" était un acte de résistance et une manifestation d'émancipation.

En réalité, la brochure "Union du peuple pour libérer la France" s'inscrivait totalement dans la ligne fixée par la direction centrale puisqu'elle soutenait les deux objectifs du PCF : la Paix et la Révolution socialiste.

Pour appuyer cette affirmation, on citera des extraits de la brochure qui sont absents des deux livres de Charles Tillon et qui permettent d'illustrer les thèmes suivants :

1) Condamnation de la guerre impérialiste de 1939-1940.
2) Célébration du pacifisme communiste pendant la guerre de 1939-1940.
3) Condamnation de l'armistice au nom du pacifisme.
4) Condamnation du Général de Gaulle.
5) Paix avec l'Allemagne nazie (libération nationale).
6) Révolution socialiste (libération sociale).
7) Fidélité à l'IC et à l'URSS.


Condamnation
de la guerre impérialiste de 1939-1940

Revenant dans ses premières pages sur la situation de la France dans les années 1930, la brochure "Union du peuple pour libérer la France" accuse les gouvernements français d'avoir mené une politique étrangère prohitlérienne et antisoviétique.

Sont notamment visés Léon Blum et Edouard Daladier. Le premier pour sa politique de non-intervention pendant la guerre d'Espagne ("la criminelle non-intervention de Blum"). Le second pour les Accords de Munich attribuant à l'Allemagne une partie de la Tchécoslovaquie. ("la trahison de Munich" ). (1)

Pour le Parti communiste, ces choix de politique étrangère n'avaient qu'une seule finalité : renforcer Hitler pour l'inciter à attaquer l'URSS.

Abordant ensuite le conflit de 1939-1940, la brochure expose les raisons pour lesquelles la France a déclaré la guerre à l'Allemagne :

"La guerre déclarée au côtés de l'Angleterre avait trois buts essentiels :
a) Organiser une croisade anti-soviétique.
b) Régler les rivalités impérialistes avec l'Allemagne.
c) Organiser à l'intérieur l'esclavage fasciste de la classe ouvrière." (6)

Pour expliquer l'entrée en guerre de la France le Parti communiste donne comme première explication : l'antisoviétisme !!!

Si la France a déclaré la guerre à Hitler ce n'était pas pour aider la Pologne, défendre sa propre sécurité ou combattre l'idéologie nazie mais par haine de l'URSS.

Subtilité communiste : constatant l'échec de sa politique étrangère prohitlérienne et antisoviétique avec le refus de l'Allemagne d'attaquer l'URSS, la France a déclaré la guerre à Hitler puis s'est abstenue de toute offensive majeure sur le front Ouest pour inciter les Allemands à poursuivre leur invasion de la Pologne vers les territoires soviétiques.

Deuxième explication : l'impérialisme français. En d'autre termes, la volonté de la France d'asservir le peuple allemand. Cette accusation a fondé la mobilisation du PCF en faveur de la Paix.

Troisième explication : l'instauration en France d'un "esclavage fasciste" !!!

Deux remarques. Tout d'abord, la fascisation du régime républicain est un procédé récurrent dans cette brochure d'août 1940. Ensuite, pendant le conflit de 1939-1940, le PCF a dénoncé le gouvernement français pour sa guerre impérialiste sur le plan extérieur et sa guerre de réaction sur le plan intérieur.

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 49.
(2) Ibid, p. 50.


Célébration du pacifisme communiste
pendant la guerre de 1939-1940

Dans sa brochure, le Parti communiste nous donne sa définition du patriotisme :

"La vérité tragique est maintenant perceptible à tous les français honnêtes : les communistes accusés de trahison parce qu'ils s'opposaient aux plans criminels des 200 familles, condamnés à des siècles de prison pour avoir réclamé la paix quand elle était possible sans désastre, et pour s'être opposés à la transformation de la France en Dominion de l'Angleterre, les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes dont l'amour véritable de la Patrie exige que celle-ci soit libérée de ses exploiteurs et de ses traîtres." (1)

Revenant sur l'action du Parti communiste au cours de la guerre de 1939-1940, Charles Tillon affirme que "les communistes étaient et demeurent les véritables patriotes" en raison de leur action contre l'impérialisme anglais et de leur engagement en faveur de la paix avec les nazis !!!

Au cours du conflit franco-allemand, l'ennemi n'était donc pas l'Allemagne d'Hitler mais la France républicaine dont le bellicisme s'expliquait par sa soumission à l'impérialisme anglais.

Au sens communiste du terme, Charles Tillon mérite pleinement le titre de "patriote" puisqu'il a été condamné à la "prison pour avoir réclamé la paix".

Ajoutons sur ce point que la brochure rend hommage aux députés communistes et à la lettre qu'ils ont adressée au président Herriot à la fin de la Campagne de Pologne pour demander l'organisation d'un vote du Parlement en faveur de la Paix :

"Mais lorsque les député communistes demandaient immédiat (sic) de la paix alors qu'il était possible d'éviter la tuerie qui a abouti à la colonisation de la France, nos élus étaient déchus et sauvagement condamnés, les syndicats détruits, 15 000 travailleurs étaient arrêtés et les chefs socialistes poussaient à l'institution de la peine de mort contre les communistes, mettant ainsi la répression en France au niveau de la répression hitlérienne".  (2)

Dernier élément, le texte appelle à libérer la France "de ses exploiteurs et de ses traîtres" autrement dit des capitalistes et des partisans de la guerre. Aucune référence aux Allemands qui devaient sûrement être... des touristes. 

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 56.
(2) Ibid. p. 51.


Condamnation de l'armistice
au nom du pacifisme

La brochure évoque l'armistice franco-allemand en ces termes :

"L'ARMISTICE DÉBUT D'UNE AUTRE GUERRE. [...]
Pas plus que le Munich de 1938, l'armistice de capitulation des munichois de Bordeaux n'est la paix.
L'armistice demandé par les 200 familles, s'il a mis fin aux hostilités entre la France et l'Allemagne, ne signifie pas la fin de la guerre impérialiste, mais la mise à la disposition d'Hitler du potentiel économique et militaire de la France, de ses possessions, afin que les 200 familles puissent encore agir, même en favorisant la guerre contre l'Angleterre, en vue de l'agression dont ils rêvent contre l'URSS, et de bénéficier d'un nouveau partage du monde, en échange de l'exploitation sanglante du pays." (1)

Pour Charles Tillon l'armistice du 22 juin 1940 marque la fin du conflit avec l'Allemagne mais pas la fin de la guerre impérialiste.

En effet, il estime qu'après avoir servi l'impérialisme anglais, la France va désormais s'engager dans la guerre au profit de l'impérialisme allemand : "l'armistice début d'une autre guerre".

En d'autres termes, cet armistice n'est pas synonyme de Paix mais de guerre. C'est donc l'armistice pétainiste qui est condamné et non le principe de l'armistice.

Pour illustrer la différence entre l'armistice pétainiste et celui qu'aurait négocié le PCF, on citera le tract "Pour la Défense de la liberté et de l'Indépendance / Rassemblement" diffusé par les communistes bordelais pendant les négociations de l'armistice :

"Maintenant, ils négocient une paix fasciste. [...]

PEUPLE DE FRANCE, TRAVAILLEUR, TRAVAILLEUSES !

Il est encore temps d'empêcher la livraison du peuple à Hitler et Mussolini et aux hitlériens français qui lui ont ouvert la route !

A bas un nouveau Munich pour assassiner la France laborieuse.

POUR SAUVER L'INDÉPENDANCE ET LA LIBERTÉ

Il faut immédiatement un gouvernement appuyé sur les masses populaires, brisant le complot fasciste de la réaction et faisant appel à l'URSS pour le rétablissement d'une Paix véritable dans le monde !" (2)

Appel à la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste, ce tract fait la distinction entre la "paix fasciste" qui est négocié par le Gouvernement du Maréchal Pétain et la "Paix véritable" que le PCF pourrait conclure avec Hitler.

Autre élément, l'extrait cité met en évidence un trait caractéristique de la brochure : sa dénonciation obsessionnelle de l'antisoviétisme.

En effet, envisageant une entrée en guerre de la France aux côtés de l'Allemagne, elle affirme que le pays menacé n'est pas l'Angleterre, qui est pourtant le dernier pays à résister aux nazis, mais l'Union soviétique qui semblerait ne pas avoir signé un Pacte de non-agression avec Berlin !!!

Signalons pour terminer que cet extrait de la brochure a été repris dans On chantait rouge avec une censure toutefois puisque le mot "impérialiste" a été supprimé. 

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, pp. 55-56.
(2) Ibid. p. 46.


Condamnation du Général de Gaulle.

La brochure prend positon sur le Général de Gaulle en déclarant :

"La classe ouvrière n'a pas le droit d'oublier que les prébendiers du régime qui ont quitté le pays sous prétexte de continuer la guerre avec l'Angleterre ont, jusque dans leurs derniers actes gouvernementaux ou politiques, poursuivi leur collaboration au mensonge, à la provocation anti-soviétique, aux crimes contre le peuple, et livré au gouvernement Pétain (qu'ils qualifient aujourd'hui de « gouvernement félon ») tous les militants communistes et les autres travailleurs, par eux jetés dans les prisons et les camps de concentration." (1)

Dans sa brochure d'août 1940, le PCF dénonce le Général de Gaulle comme un être vénal ("prébendiers du régime") qui a fui en Angleterre pour... échapper à ses responsabilités dans la défaite de la France.

Les causes de cette défaite étant le bellicisme, l'antisoviétisme et l'anticommunisme des gouvernements français dont celui de Paul Reynaud auquel il participé du 5 au 16 juin 1940.

Le bellicisme est associé aux mensonges visant à justifier la guerre. L'antisoviétisme fait surtout référence aux armes que la France a envoyées à la Finlande pour se défendre contre l'agression soviétique. L'anticommunisme renvoie à la répression des militants communistes en raison de leur engagement en faveur de la Paix. 

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 57.


Paix avec l'Allemagne nazie
(libération nationale)

Preuves incontestables du contenu pacifiste de la brochure, quatre extraits appelant les Français à se mobiliser pour la Paix avec l'Allemagne :

Extrait 1 :

"La classe ouvrière n'oubliera pas qu'une autre issue aurait pu être trouvée pour la France, si tous les partis n'avaient pas ensemble, réprimé l'appel du Parti communiste qui demandait notamment en mai 1940 (par l'Humanité illégale et ses publications éditées au prix de tant d'abnégation) le rétablissement des libertés démocratiques, des mesures brisant la 5e colonne, un gouvernement sans traîtres, et capable de faire appel à l'Union Soviétique pour pratiquer une politique d'amitié confiante, permettant sa collaboration en faveur du rétablissement de la paix véritable dans le monde." (1)

Extrait 2 :

"Femmes, jeunes filles, soyez unies pour exiger la Paix véritable et que vous soient rendus les prisonniers d'Hitler et des capitalistes." (2)

Extrait 3 :

"Reconstituons, avec les enseignements de l'expérience, dans les masses profondes, le Front Populaire de Combat, pour le Pain, la Liberté, la Paix, par l'action de masse à l'usine, dans chaque quartier, au village, défendons." (3)

Extrait 4 :

"Pour la Paix et la Liberté, pour la Libération et l'indépendance de la France". (4)

La brochure fait une référence directe à l'Appel du PCF publié dans l'Humanité n° 47 du 17 mai 1940 sous le titre "Pour sauver notre pays et notre peuple de la misère de la ruine et de la mort" et dans lequel on peut lire :

"Le Parti Communiste a dit et répété que cette guerre a été provoqué par les capitalistes. Pour avoir réclamé la paix, avant que les massacrent ne commencent, des milliers de ses membres ont été jetés en prison, dans les camps de concentration ou dans les bagnes africains. D'autres sont menacés de la peine de mort ! [...]
Aujourd'hui où l'angoisse étreint des millions d'hommes et de femmes de notre pays le Parti Communiste dit, comme toujours, ce qu'il considère être l'intérêt des travailleurs et du peuple de France.
Le rétablissement de la paix, la sécurité et l'indépendance du pays, la liberté et le progrès social exigent que soit impitoyablement chassé le gouvernement des 200 familles qui a entraîné notre pays dans l'aventure présente[...]
PEUPLE DE FRANCE ! Pour la paix, le pain, la liberté, l'indépendance, SOIS UNIS !
Lutte pour :
Un gouvernement de paix, s'appuyant sur les masses populaires, prenant des mesures contre la réaction, un gouvernement qui s'entende sans délai avec l'Union Soviétique pour le rétablissement de la Paix générale dans le monde.

Cet Appel était un plaidoyer pour un Gouvernement de Paix dirigé par le Parti communiste.

Conclusion : Charles Tillon a repris et donc approuvé un texte pacifiste de la direction centrale.

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 57.
(2) Ibid, p. 60.
(3) Ibid, p. 63.
(4) Ibid, p. 64.


Révolution socialiste
(libération sociale)

Pilier du projet communiste, l'instauration d'un régime socialiste est évoquée dans ces deux extraits :

Extrait 1 :

"« Si le socialisme ne triomphe pas en Europe, la paix entre les états capitalistes ne sera qu'une trêve, qu'une interruption dans la préparation de nouveau carnage. » (Lénine 1918)." (1)

Extrait 2 :

"Préparé par l'union sacrée anti-communiste, climat idéal pour la trahison des riches et de la 5e colonne, le fascisme dont la lave sanglante s'étend sur la France avec ses méthodes terroristes de gouvernement, le fascisme, dernière forme de dictature de la bourgeoisie pourrissante, n'est pas un signe de de force, mais l'expression dernière d'un régime condamné à mort. 
Le fascisme peut être vaincu et il le sera

CONTRE LE FASCISME SAUVONS-NOUS NOUS-MÊMES
 [...]

Nos alliés, nos amis, ne sont pas les capitalistes, ni les chefs de la 2e Internationale, ni les ministres à la Citrine, complices de Chamberlain comme de Churchill dans les plans d'agression contre l'URSS, complices de Blum-Paul Faure dans la répression fasciste, anticommuniste de Daladier-Paul Reynaud-Sérol. La démagogie démocratique des oppresseurs des peuples de l'Inde et de millions d'esclave, est aussi hypocrite que la démagogie anti-capitaliste des Laval et des Ferdonnet. 

Nos alliés, non amis, ce sont tous les travailleurs du monde, des métropoles et des colonies, chargé comme nous du devoir de mettre fin à l'exploitation de l'homme par l'homme qui porte en elle la guerre et la servitude. [...]

Notre devoir à tous est de nous unir pour conquérir notre patrie, de nous unir pour libérer son territoire de tous les oppresseurs et exploiteurs, pour en chasser à la fois les capitalistes, leur tourbe de valets et de traîtres et les envahisseurs auxquels ils ont livré l'indépendance du pays, de nous unir pour aider à la défaite de tous les impérialismes." (2)

Dans son projet politique, le Parti communiste associe la libération sociale à la Révolution socialiste en soulignant que seule la destruction du régime capitaliste - cause de la guerre impérialiste - garantira une paix durable avec l'Allemagne.

La brochure soutient sans aucune équivoque ce projet révolutionnaire. En effet, elle appelle les Français à se mobiliser pour "mettre fin à l'exploitation de l'homme par l'homme qui porte en elle la guerre et la servitude" .

Elle fait aussi le lien entre la Paix et la Révolution socialiste en citant Lénine : "Si le socialisme ne triomphe pas en Europe, la paix entre les états capitalistes ne sera qu'une trêve, qu'une interruption dans la préparation de nouveau carnage."

On rappellera que cette citation figure sur la page titre de la brochure.

Dernier élément, dans la brochure, le fascisme est avant tout une caractéristique du régime capitaliste. On peut même dire que le mot fascisme est un synonyme de capitalisme. On ne sera donc pas étonné que ce terme soit utilisé pour dénoncer aussi bien le régime de Vichy que le régime républicain qui sont pour les communistes deux formes de gouvernement représentant les oligarchies capitalistes.

Ainsi, le gouvernement républicain est accusé d'avoir organisé une "répression fasciste, anticommuniste" avec le soutien de "Blum". Autre accusation déjà mentionnée : sa volonté d'instaurer un "esclavage fasciste".

Ceci éclaire la formule "Contre le fascisme sauvons-nous nous même" qui signifie que les prolétaires doivent se rassembler pour prendre la direction du pays sous la conduite du Parti communiste avec un objectif précis : renverser le régime capitaliste qui est désormais représenté par le Maréchal Pétain.

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 81.
(2) Ibid, pp. 57-59.


Fidélité à l'IC et à L'URSS

Rappel que le Parti Communiste Français (PCF) est avant tout la Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC), la brochure témoigne de la fidélité des communistes français à l'IC et à l'URSS :

Extrait 1 :

"Vive l'UNION SOVIETIQUE, Patrie du Socialisme Véritable !
Vive l'Internationale Communiste !" (1)

Extrait 2 : 

"Les peuples de l'Union Soviétique ont évité de se laisser entraîner dans la guerre impérialiste, au profit de l'un ou l'autre des belligérants avec une fermeté égale envers tous, tout en conservant la paix sans se laisser intimider par personne, déjouant les provocations en Finlande, en Mer Noire, et dans les Pays Baltes, arrachant à la menace hitlérienne 13 millions d'opprimés en Pologne, libérant du fascisme roumain la Bessarabie et la Bukovine. Chaque acte du pays du socialisme s'inscrit au bénéfice des forces de paix et de progrès, au service du prolétariat de tous les pays et de l'humanité tout entière." (2)

Fervent stalinien dont la discipline ne permet aucune révolte, Charles Tillon manifeste son adhésion totale à la ligne fixée par l'Internationale communiste ainsi qu'aux actions de l'URSS.

Un exemple, il approuve avec enthousiasme toutes les annexions territoriales de l'Union soviétique : l'est de la Pologne, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, une partie de la Finlande et deux régions roumaines.

Fondée sur l'agression des pays limitrophes de l'URSS et le soutien de Hitler, la politique européenne de Staline est célébrée comme une politique "de paix et de progrès". Encore une subtilité communiste.

Pour terminer, on rappellera comment Charles Tillon décrivait ses rapports avec Moscou dans On chantait rouge : "Bien avant l'entrée des occupants dans Bordeaux, je me sentais en état de révolte ouverte contre l'Internationale. Ses injonctions venues de Bruxelles, c'était l'acceptation de l'occupation".

On notera la différence radicale entre le texte rédigé pendant l'occupation allemande et celui écrit après la Libération.

(1) R. Bourderon, Le PCF à l'épreuve de la guerre, 1940-1943, 2012, p. 65.
(2) Ibid, p. 58.