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Discours du Maréchal Pétain du 17 juin 1940

Le 17 juin 1940 à Bordeaux, dans une allocution radiodiffusée en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil, le Maréchal Pétain, déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne ("il faut cesser le combat") avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice. (Doc. 1)


Gouvernement Pétain

Le 16 juin 1940, réfugié dans la ville de Bordeaux depuis deux jours, le Gouvernement Reynaud démissionne à 22 heures au terme d'un Conseil des ministres au cours duquel se sont une nouvelle fois affrontés opposants et partisans de l'armistice.

A la tête de ceux qui veulent mettre fin au conflit avec l'Allemagne et qui défendent au sein du gouvernement la même position que le Commandant en chef des armées françaises, le Général Weygand : le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil et ministre d'Etat. Ce dernier est aussitôt chargé par le Président de la République de former un nouveau gouvernement (Doc. 2). Dans ce Gouvernement de Paix qui sera formé en moins d'une heure entreront deux représentants de l'Union Socialiste et Républicaine (USR) (Doc. 3), le parti de Marcel Déat, deux radicaux-socialistes (PRRRS) (Doc. 4), dont Camille Chautemps à la vice-présidence, et avec l'accord de Léon Blum deux socialistes (SFIO) qui étaient membres du cabinet démissionnaire : André Février et Albert Rivière (Doc. 5). Unis avec le PCF dans une coalition appelée le Front Populaire, ces trois partis de gauche avaient remporté les élections législatives de 1936.

Parmi ceux qui veulent continuer de se battre contre les Allemands : le Général de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale et à la Guerre attaché à la présidence du Conseil. Après s'être illustré dans les combats contre la Wehrmacht à la tête de la 4e Division Cuirassée, ce dernier a rejoint le gouvernement le 5 juin 1940. N'ayant pas une fonction ministérielle, il n'assiste jamais au Conseil des ministres. En mission en Angleterre, il apprendra la démission du gouvernement à son retour à Bordeaux dans la soirée. Après la constitution dans la nuit d'un cabinet marquant la victoire du clan des défaitistes, il décide le lendemain matin de repartir pour Londres. Il s'embarquera dans l'avion ramenant en Angleterre l'envoyé spécial de Churchill, le Général Spears. Les Anglais espéraient la venue d'un homme politique de premier plan comme Paul Reynaud ou Georges Mandel pour poursuivre la guerre au nom de la France. Les circonstances leur imposeront un colonel nommé au grade de général de brigade à titre temporaire (2 étoiles) en mai 1940, un éphémère sous-secrétaire d'Etat, un homme inconnu des Français...
 

Demande d'armistice

Le 17 juin,  en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil prononce à la radio une courte allocution dans laquelle il déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne ("il faut cesser le combat") avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Illustration de l'alliance germano-soviétique, quelques heures après cette annonce, Viatcheslav Molotov, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur allemand à Moscou, Friedrich Werner von der Schulenburg, pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes". (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940)


"Il faut tenter de cesser le combat"

Le 18 juin, les journaux parisiens qui se sont repliés sur Bordeaux ou Clermont-Ferrand publient le discours du Maréchal Pétain. Le texte reproduit présente une différence notoire avec le discours prononcé : la phrase "il faut cesser le combat" a été remplacée par "il faut tenter de cesser le combat" (Le Petit Parisien du 18 juin 1940).

Initiative du ministre des Affaires étrangères, Paul Baudouin, cette modification a été motivée par le constat que certaines unités avaient interprété le message du président du Conseil comme un appel à déposer les armes.

Dans Neuf mois au gouvernement (1948), Paul Baudouin écrit à la date du 17 juin 1940 :

"A la fin de l'après-midi, j'apprends qu'une phrase du discours du Maréchal n'a pas été bien comprise. « Il faut cesser le combat », a dit le Maréchal. Je fais rapidement remplacer dans la presse cette expression par « il faut tenter de cesser le combat  ».
Le chef de Cabinet du général Weygand me téléphone que certains éléments de l'armée considèrent que le Maréchal a donné dans son discours un véritable ordre de cesser le feu. Il faut éclairer l'armée et l'opinion sans retard.
Je fais approuver par le Maréchal le principe d'une allocution radiodiffusée Il ne modifie pas le texte que je lui soumets.
Voici l'allocution que je prononce à 21 h 30 :
"« [...] Voilà pourquoi le gouvernement présidé par le maréchal Pétain a dû demander à l'ennemi quelles seraient ses conditions de paix. Mais il n'a pas pour autant abandonné la lutte ni déposé les armes. [...] ».


Réactions du Général de Gaulle et du PCF

Pour terminer on évoquera les réactions du Général de Gaulle et du PCF.

Le 18 juin, à Londres, le Général de Gaulle s'exprime à la BBC pour condamner la demande d'armistice et appeler les Français à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand. 
 
Initiative d'un officier supérieur refusant la défaite quand tous l'acceptent, coup d'éclat motivé par son patriotisme, message d'espérance dans une France en pleine débâcle, l'Appel du 18 juin 1940 est l'acte fondateur de la Résistance française : "Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

A l'inverse de la position gaullienne, le Parti communiste, qui s'est engagé pour la Paix avec les nazis dès septembre 1939 en arguant que la guerre contre l'Allemagne d'Hitler était une guerre impérialiste, approuve la démarche du Gouvernement Pétain dans l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 qui présente la particularité de reproduire un communiqué... de la Wehrmacht :

"Tous les hommes qui constituent le gouvernement portent, à des titres divers, la responsabilité de la politique qui a conduit la France à la guerre, à la catastrophe. Le maréchal Pétain a dit qu'il faut tenter de cesser le combat. Nous prenons acte, mais le peuple prendra acte aussi du fait que si, en septembre dernier les propositions des députés communistes avaient été retenues, nous n'en serions pas où nous en sommes.
Les députés communistes qui, en septembre proposaient une paix qui auraient laissé intactes la puissance et l'économie française, en même temps qu'elle aurait épargné bien des vies humaines et des destructions, furent jetés en prison et aujourd'hui ceux qui ont fait cette criminelle besogne sont acculés à la paix après la défaite."

Soumis aux autorités allemandes comme un numéro modèle de l'Humanité légale, ce numéro rappelle que les députés communistes ont été emprisonnés parce qu'ils avaient demandé l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens" dans une lettre remise au président de la Chambre quelques jours après la victoire des armées allemandes et soviétiques en Pologne.


Document 1 :

Discours du Maréchal Pétain
du 17 juin 1940

Français !

A l'appel de M. le président de la République, j'assume à partir d'aujourd'hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l'affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle a rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés, sûr de l'appui des anciens combattants que j'ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.
En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat. 
Je me suis adressé cette nuit à l'adversaire pour lui demander s'il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l'honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.
Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n'écouter que leur foi dans le destin de la patrie.

(Le Maréchal Pétain, Appels aux Français, Editions F. Sorlot, 1940.)


Document 2 :

Décret du 16 juin 1940
nommant le Maréchal Pétain
président du Conseil des ministres

Le Président de la République française,

Décrète :

Art. 1er. — M. le Maréchal Pétain est nommé président du conseil des ministres, en remplacement de M. Paul Reynaud, dont la démission est acceptée.

Art. 2. — Le président du conseil est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Bordeaux, le 16 juin 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le président du conseil,
ministre de la défense nationale et de la guerre
et des affaires étrangères,

PAUL REYNAUD.

(Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940)


Document 3 :

Décrets du 16 juin 1940
nommant Charles Pomaret et L-O Frossard (USR)
ministres du Maréchal Pétain

Le Président de la République française,
Sur la proposition du Maréchal de France, président du conseil,

Décrète :

Art. 1er. — M. Pomaret, député, est nommé ministre de l'intérieur, en remplacement de M. Georges Mandel, dont la démission est acceptée.

Art. 2. — Le Maréchal de France, président du conseil est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Bordeaux, le 16 juin 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le Maréchal de France,
président du conseil,

PH. PETAIN

(Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940)


Le Président de la République française,
Sur la proposition du Maréchal de France, président du conseil,

Décrète :

Art. 1er. — M. Frossard, député, est nommé ministre des travaux publics et des transmissions. La démission de M. Jules Julien, ministre des transmissions, est acceptée.

Art. 2. — Le Maréchal de France, président du conseil est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Bordeaux, le 16 juin 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le Maréchal de France,
président du conseil

PH. PETAIN

(Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940)


Document 4 :

Décret du 16 juin 1940
nommant Camille Chautemps et Albert Chichery (PRRRS)
ministres du Maréchal Pétain

Le Président de la République française,
Sur la proposition du Maréchal de France, président du conseil,

Décrète :

Art. 1er. — M. Camille Chautemps, sénateur, est nommé ministre d'Etat, vice-président du conseil.

Art. 2. — Le Maréchal de France, président du conseil est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Bordeaux, le 16 juin 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le Maréchal de France,
président du conseil

PH. PETAIN

(Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940)


Le Président de la République française,
Sur la proposition du Maréchal de France, président du conseil,

Décrète :

Art. 1er. — M. Chichery, député, est nommé ministre de l'Agriculture et du ravitaillement, en remplacement de M. Thellier et de M. Queuille, dont la démission est acceptée.

Art. 2. — Le Maréchal de France, président du conseil est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Bordeaux, le 16 juin 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le Maréchal de France,
président du conseil

PH. PETAIN

(Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940)


Document 5 :

Décrets du 16 juin 1940
nommant Albert Rivière et André Février (SFIO)
ministres du Maréchal Pétain

Le Président de la République française, 
Sur la proposition du Maréchal de France, président du conseil,
 
Décrète :

Art. 1er. — M. A. Rivière, député, est nommé ministres des colonies, en remplacement de M. Louis Rollin, dont la démission est acceptée.

Art. 2. — Le Maréchal de France, président du conseil est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Bordeaux, le 16 juin 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le Maréchal de France,
président du conseil

PH. PETAIN

(Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940)


Le Président de la République française,
Sur la proposition du Maréchal de France, président du conseil,

Décrète :

Art. 1er. — M. André Février, député, est nommé ministre du travail, en remplacement de M. Pomaret, dont la démission est acceptée

Art. 2. — Le Maréchal de France, président du conseil est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Bordeaux, le 16 juin 1940.

ALBERT LEBRUN.

Par le Président de la République :

Le Maréchal de France,
président du conseil

PH. PETAIN

(Journal officiel des 14, 15, 16 et 17 juin 1940)