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Le PCF condamne le Général de Gaulle et son Appel du 18 juin 1940

Le 18 juin 1940 à Londres, opposé aux négociations d’armistice engagées la veille par le Gouvernement Pétain, le Général de Gaulle s'est exprimé sur les antennes de la BBC pour appeler les Français à poursuivre le combat contre l’envahisseur allemand.

Initiative d'un officier supérieur refusant la défaite quand tous l'acceptaient, coup d'éclat motivé par son patriotisme, message d'espérance dans une France en pleine débâcle, l'Appel du 18 juin 1940 a été l'acte fondateur de la Résistance française : Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

Cet événement est aujourd’hui enseigné, commémoré, célébré avec toutefois une limite significative : il n'est jamais rappelé que cet appel a été fermement condamné par... le Parti Communiste Français.

Cet oubli délibéré et systématique est une illustration du devoir d'amnésie qui s'applique à l'action du PCF entre 1939 et 1941.
 
Un exemple de la condamnation communiste, un article publié dans l'Humanité n° 59 du 4 juillet 1940 sous le titre "Le peuple de France veut la paix" :

"Il [Le peuple de France] demande d'énergiques mesures contre tous ceux, qui par ordre de l'Angleterre impérialiste, voudraient entraîner à nouveau les Français dans la guerre.
Il demande la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait le pacte germano-soviétique et serait la garantie de la paix en Europe."

Trois remarques sur le texte. Tout d'abord, il contient un appel à prendre "d'énergiques mesures" contre le Général de Gaulle et ses partisans. A qui s'adresse cet appel ? Aux Allemands, à Pétain ou aux deux ?

Ensuite, on peut constater que l'antigaullisme du PCF est motivé par son pacifisme qui est la conséquence du Pacte germano-soviétique.
 
Enfin, élément tout aussi révélateur, l'Humanité plaide pour "un pacte d'amitié franco-soviétique" en précisant : 1) qu'il serait un complément du "pacte germano-soviétique" et donc conforme aux intérêts de l'Allemagne nazie, 2) qu'il serait "la garantie de la paix en Europe" autrement dit qu'il assurerait le succès d'une négociation de Paix entre un Gouvernement communiste et Hitler, et inciterait en outre l'Angleterre à mettre fin au conflit anglo-allemand.
 
Par son contenu, l'Humanité du 4 juillet 1940 est une parfaite illustration de la ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe et germanophile du PCF.

Au vu de ces éléments, on posera la question suivante : doit-on considérer ce numéro comme un acte de Résistance ou un acte de Collaboration ?

Composé d'une Introduction et de quatre Parties, le présent texte portera sur l'action du PCF entre juin 1940 et juin 1941.
 
Dans l'Introduction, on montrera que le PCF a approuvé l'armistice franco-allemand du 22 juin 1940 (I), qu'il a condamné le Général de Gaulle et son appel à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand (II) et enfin qu'il s'est mobilisé entre juin 1940 (défaite de la France) et juin 1941 (invasion de l’URSS par les armées allemandes) sur une ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe, et germanophile (III).

Dans les quatre Parties qui suivront, on reproduira des extraits de textes illustrant cette ligne en suivant un découpage saisonnal : Eté 1940 (I), Automne 1940 (II), Hiver 1940/1941 (III) et Printemps 1941 (IV).
 
Cette petite contribution à la lutte contre le devoir d'amnésie aura comme motivation le principe suivant : la vérité, vous pouvez la nier, la censurer ou la falsifier, jamais vous ne l'effacerez.



Introduction


Chapitre I

Gouvernement Pétain

Le 16 juin 1940, réfugié dans la ville de Bordeaux depuis deux jours, le Gouvernement Reynaud démissionne à 22 heures au terme d'un Conseil des ministres au cours duquel se sont une nouvelle fois affrontés opposants et partisans de l'armistice.

A la tête de ceux qui veulent mettre fin au conflit avec l'Allemagne et qui défendent au sein du gouvernement la même position que le Commandant en chef des armées françaises, le Général Weygand : le Maréchal Pétain, vice-président du Conseil et ministre d'Etat. Ce dernier est aussitôt chargé par le Président de la République de former un nouveau gouvernement. Dans ce Gouvernement de Paix qui sera formé en moins d'une heure entreront deux représentants de l'Union Socialiste et Républicaine (USR), le parti de Marcel Déat, deux radicaux-socialistes (PRRRS), dont Camille Chautemps à la vice-présidence, et avec l'accord de Léon Blum deux socialistes (SFIO) qui étaient membres du cabinet démissionnaire : André Février et Albert Rivière. Unis avec le PCF dans une coalition appelée le Front Populaire, ces trois partis de gauche avaient remporté les élections législatives de 1936.

Parmi ceux qui veulent continuer de se battre contre les Allemands : le Général de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale et à la Guerre attaché à la présidence du Conseil. Après s'être illustré dans les combats contre la Wehrmacht à la tête de la 4e Division Cuirassée, ce dernier a rejoint le gouvernement le 5 juin 1940. N'ayant pas une fonction ministérielle, il n'assiste jamais au Conseil des ministres. En mission en Angleterre, il apprendra la démission du gouvernement à son retour à Bordeaux dans la soirée. Après la constitution dans la nuit d'un cabinet marquant la victoire du clan des défaitistes, il décide le lendemain matin de repartir pour Londres. Il s'embarquera dans l'avion ramenant en Angleterre l'envoyé spécial de Churchill, le Général Spears. Les Anglais espéraient la venue d'un homme politique de premier plan comme Paul Reynaud ou Georges Mandel pour poursuivre la guerre au nom de la France. Les circonstances leur imposeront un colonel nommé au grade de général de brigade à titre temporaire (2 étoiles) en mai 1940, un éphémère sous-secrétaire d'Etat, un homme inconnu des Français...

 
Demande d'armistice

Le 17 juin, en début d'après-midi, le nouveau président du Conseil prononce à la radio une courte allocution dans laquelle il déclare qu'il faut mettre fin au conflit avec l'Allemagne ("il faut cesser le combat") avant d’annoncer qu'il est entré en contact avec le gouvernement allemand pour négocier un armistice.

Illustration de l'alliance germano-soviétique, quelques heures après cette annonce, Viatcheslav Molotov, président du Conseil et commissaire du peuple aux Affaires étrangères, convoque l'ambassadeur allemand à Moscou, Friedrich Werner von der Schulenburg, pour lui exprimer "les plus chaleureuses félicitations du Gouvernement soviétique pour le magnifique succès des forces armées allemandes". (Télégramme n° 1167 du 17 juin 1940)

Le lendemain, à Londres, le Général de Gaulle s'exprime à la BBC pour condamner la demande d'armistice et appeler les Français à poursuivre le combat contre l'envahisseur allemand. Initiative d'un officier supérieur refusant la défaite quand tous l'acceptent, coup d'éclat motivé par son patriotisme, message d'espérance dans une France en pleine débâcle, l'Appel du 18 juin 1940 est l'acte fondateur de la Résistance française : Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas".

A l'inverse de la position gaullienne, le Parti communiste, qui s'est engagé pour la Paix avec les nazis dès septembre 1939 en arguant que la guerre contre l'Allemagne d'Hitler était une guerre impérialiste, approuve la démarche du Gouvernement Pétain dans l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 qui présente la particularité de reproduire un communiqué... de la Wehrmacht :

"Tous les hommes qui constituent le gouvernement portent, à des titres divers, la responsabilité de la politique qui a conduit la France à la guerre, à la catastrophe. Le maréchal Pétain a dit qu'il faut tenter de cesser le combat. Nous prenons acte, mais le peuple prendra acte aussi du fait que si, en septembre dernier les propositions des députés communistes avaient été retenues, nous n'en serions pas où nous en sommes.
Les députés communistes qui, en septembre proposaient une paix qui auraient laissé intactes la puissance et l'économie française, en même temps qu'elle aurait épargné bien des vies humaines et des destructions, furent jetés en prison et aujourd'hui ceux qui ont fait cette criminelle besogne sont acculés à la paix après la défaite."

Soumis aux autorités allemandes comme un numéro modèle de l'Humanité légale, ce numéro rappelle que les députés communistes ont été emprisonnés parce qu'ils avaient demandé l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens" dans une lettre remise au président de la Chambre quelques jours après la victoire des armées allemandes et soviétiques en Pologne.

 
Armistice franco-allemand

Demandé le 17 juin 1940 par le Gouvernement Pétain, l'armistice franco-allemand est signé le 22 juin.

Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation d'une zone couvrant les trois-cinquièmes de son territoire et comprenant sa capitale, le maintien en captivité de 1,5 million prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé quelques semaines tard à 400 millions francs et représentera pour le budget français un prélèvement massif et abusif relevant plus des réparations de guerre que de l'entretien d'une armée d'occupation.
 
Dans une allocution prononcée le lendemain à la radio de Londres, le Général de Gaulle déclare que cet armistice est une véritable "capitulation" et que de ce fait le Gouvernement Pétain a perdu toute légitimité :

"L'armistice accepté par le gouvernement de Bordeaux est une capitulation.
Cette capitulation a été signée avant que soient épuisés tous les moyens de résistance. Cette capitulation livre à l'ennemi qui les emploiera contre nos alliés nos armes, nos avions, nos navires, notre or. Cette capitulation asservit complètement la France et place le gouvernement de Bordeaux sous la dépendance immédiate et directe des Allemands et des Italiens.
Il n'existe donc plus sur le territoire de la France métropolitaine de gouvernement indépendant susceptible de soutenir au dehors les intérêts de la France et ceux des Français."

Pour connaître la réaction du PCF à la défaite de la France et à l'occupation allemande qui en est la conséquence, il suffit de lire l'Humanité du 24 juin 1940 et son article leader intitulé... "Construire la paix" :

"L'armistice est signé.
Ah, certes nous serrons les poings à la pensée qu'une autre paix eut pu être conclue en Septembre-Octobre dernier comme la proposaient les Communistes. Mais à cette époque Daladier jugeait que les ordres de la Cité de Londres devaient être obéis.
Construire la Paix ! Voilà donc la tâche urgente.
Nous savons bien, nous autres communistes, qu'il n'y aura de paix véritable que lorsque auront été extirpées les racines profondes de la guerre. LA PAIX C'EST LE SOCIALISME.
Lutter pour la paix, c'est coordonner l'action des prolétaires de tous les pays dans la lutte pour la victoire du socialisme, de ce socialisme dont l'URSS offre au monde le resplendissant exemple. Tel est notre but.
Préparer cette paix implique que la France est un gouvernement capable de comprendre et de traduire les aspirations populaires. La France de juin 1940 ne possède pas un [tel] gouvernement. [...]
Pour négocier la paix, il faut pouvoir parler au nom du peuple. On ne parle pas au nom du peuple quand on tient en prison et dans les camps des milliers de militants du peuple. Seul, sera digne de négocier une paix équitable, le gouvernement qui rendra au prolétariat ses droits et sa liberté. [...]
Que disparaissent les fauteurs de guerre, les responsables du désastre, les valets de la Cité de Londres : PLACE AU PEUPLE !".

Dans ce texte approuvant l'armistice franco-allemand, l'Humanité affirme que seul le Parti communiste est en mesure de négocier avec Hitler "une paix véritable" ou encore une "paix équitable" car il est le seul Parti à s'être opposé à la guerre et à pouvoir en outre bénéficier du soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne.

Ajoutons quatre remarques supplémentaires.

Tout d'abord, l'Humanité rappelle l'initiative pacifiste des députés communistes à la fin de la Campagne de Pologne et en attribue l'échec à la soumission du gouvernement français aux "ordres de la Cité de Londres".

Ensuite, formulé dans le but de prouver que les communistes sont des pacifistes de la première heure, ce rappel est aussi une dénonciation implicite du Maréchal Pétain qui est accusé par la propagande communiste de n'être qu'un belliciste au service du capitalisme français et anglais dont l'engagement tardif en faveur de la Paix n'est qu'un opportunisme.

C'est d'ailleurs pour mettre en avant le bellicisme de ce dernier que le texte décrit le président du Conseil ainsi que les membres de son Gouvernement de Paix comme des "fauteurs de guerre" (impérialisme français) et des "valets de la Cité de Londres" (impérialisme anglais).

De plus, toujours dans le but de montrer que seul le projet pacifiste du Parti communiste est légitime, l'Humanité plaide pour une "paix équitable" ou encore une "paix véritable" par opposition à une paix inéquitable ou à une fausse paix négociée par le Maréchal Pétain.

Enfin, par son contenu, cet article est en totale conformité avec le projet défendu par les communistes depuis le début du conflit à savoir la Paix par la Révolution socialiste ("LA PAIX C'EST LE SOCIALISME").


Défaitisme révolutionnaire

Preuve que le pacifisme des communistes était en réalité synonyme de défaitisme révolutionnaire, les Instructions que le Parti communiste a envoyées à ses cadres en juillet 1940 pour guider leur action dans une France défaite et occupée par les nazis :

"L'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire.
Résultat et suite logique de Munich : trahison et politique réactionnaire.

BILAN. - L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre.

La classe ouvrière française et mondiale doit retenir cet événement comme une victoire et comprendre qu'il faut voir là un ennemi de moins. Il importe donc de mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive. Il ressort, à la constatation de cet état de chose, que la lutte du peuple français a eu le même objectif que la lutte de l'impérialisme allemand contre l'impérialisme français. Il est exact qu'en ce sens ce fut un allié occasionnel. 
(Lénine nous a appris qu'il nous faut pas hésiter, lorsque la situation le commande et lorsqu'il y va de l'intérêt du peuple, de s'allier - occasionnellement - même eu diable.) Se souvenir de la lettre de Lénine aux ouvriers américains (1918) et disant que quiconque ne comprend pas cela n'est pas révolutionnaire."

Dans cet extrait, le Parti communiste se félicite de la défaite de la France : "l'impérialisme français vient de subir sa plus grande défaite de l'Histoire".

Sur ce constat enthousiaste, il rend hommage à son engagement contre la guerre en rappelant que son ennemi dans le conflit franco-allemand n'était pas Hitler mais le gouvernement français et tous ses soutiens : "L'ennemi - qui est à l'intérieur dans toute guerre impérialiste - est par terre".

Considérant que par sa mobilisation il a contribué à la défaite de la France, il affirme que "la classe ouvrière française et mondiale" doit célébrer cet événement comme "une victoire" et voir dans la chute de l'impérialisme français "un ennemi de moins".
 
Il va même jusqu'à reconnaître Hitler comme un "allié occasionnel" dans ce combat contre l'impérialisme français. A ceux qui pourraient être choqués par cette alliance, il répond que quiconque la désapprouve "n'est pas révolutionnaire".

Dernier élément, il indique qu'il importe de "mettre tout en œuvre pour que la chute de l'impérialisme français soit définitive". Autrement dit même après la signature de l'armistice franco-allemand, l'ennemi est toujours l'impérialisme français.
 
Autre document dans lequel le Parti communiste se félicite de la défaite de la France : la "Lettre aux militants communistes" de novembre 1940. Dans ce tract rédigé au mois d'octobre, on peut notamment lire :

"Nous sommes au quatorzième mois de la deuxième guerre impérialiste en Europe et nous avons sous les yeux le bilan suivant : un puissant impérialisme a été abattu [La France]; ceux qui avaient l'habitude faire la guerre par procuration sont obligés de se battre directement [L'Angleterre]; ceux qui déclarèrent la guerre au dernier moment dans l'espoir qu'elle durerait quinze jours, sont obligés de continuer la lutte [L'Italie] et ceux qui comptaient sur de fulgurantes et décisives victoires doivent tout recommencer au moment où ils croyaient avoir tout fini [L'Allemagne]".


Chapitre II

Contre la Résistance

Preuve que l'appel du Général de Gaulle a été entendu en France, il est immédiatement condamné par deux partisans de la Paix avec Hitler : le Maréchal Pétain et le Parti Communiste Français.
 
Dans un communiqué de presse de son ministre de l'Intérieur en date du 19 juin 1940, le Gouvernement Pétain fait la déclaration suivante :

"Le général de Gaulle, qui a pris la parole à la radio de Londres, ne fait plus partie du gouvernement et n'a aucune qualité pour faire des communications au public. Il a été rappelé de Londres et a reçu l'ordre de rentrer en France et de se tenir aux ordres de ses chefs. Ses déclarations doivent être regardées comme non avenues".
 
Quant au Parti communiste, il s'attaque pour la première fois au Général de Gaulle dans un Appel au "Peuple de Paris" diffusé le 25 juin 1940 :

"L'armistice est signé. Nos soldats ne se battent plus et, tandis qu'a cessé le bruit du canon, nos pensées vont à tous ceux qui sont restés sur les champs de bataille, aux mères, aux veuves, aux orphelins, aux mutilés, à toutes les pitoyables victimes de la guerre.
C'est en vain que les agents de l'impérialisme britannique essayent maintenant de persuader le peuple de France qu'il doit poursuivre maintenant la guerre pour le compte des financiers de la Cité et, tandis que ces messieurs tentent d'étendre le feu de la guerre aux colonies, les communistes disent aux peuples coloniaux : "Mettez à profit les difficultés de vos oppresseurs pour briser vos chaînes, pour vous libérer, pour conquérir votre indépendance." [...]
Le gouvernement que le pays attend et que les événements imposent, c'est un gouvernement populaire démocratique, s'appuyant sur le peuple, lui inspirant la confiance, lui donnant des raisons de travailler et d'espérer, un gouvernement de lutte contre la ploutocratie, composé d'hommes courageux, honnêtes, ayant donné des preuves de leur dévouement à la cause du peuple, un gouvernement décidé à maintenir la paix, un gouvernement décidé à poursuivre avec l'URSS, pays du socialisme, une politique d'amitié qui compléterait heureusement le Pacte germano-soviétique et contribuerait à créer les conditions d'une paix juste et durable."
 
Les deux caractéristiques marquantes de ce texte sont la condamnation de la Résistance gaulliste et l'appel à former un gouvernement de Paix communiste. 

Deux remarques sur le premier point. Tout d'abord, pour dissuader les Français de s'engager dans la lutte contre les Allemands, le Parti communiste accuse le Général de Gaulle d'être un agent de "l'impérialisme anglais" et un défenseur des intérêts "des financiers de la Cité" autrement dit d'être un traître et un corrompu. En outre, pour empêcher l'implantation de la France Libre sur les territoires de l'Empire français, il appelle les peuples coloniaux à se battre pour leur indépendance.

Trois observations sur le second point. Tout d'abord, le Parti communiste affirme que la situation de la France exige le départ du Gouvernement Pétain, symbole du capitalisme et de la corruption, et son remplacement par un Gouvernement communiste : "Le gouvernement que le pays attend et que les événements imposent, c'est un gouvernement populaire démocratique, [...] un gouvernement de lutte contre la ploutocratie, composé d'hommes courageux, honnêtes, ayant donné des preuves de leur dévouement à la cause du peuple".

Ensuite, il indique clairement que ce gouvernement aura pour mission de conclure un traité de paix avec l'Allemagne d'Hitler : "un gouvernement décidé à maintenir la paix".

Enfin, il affirme que ces négociations seront un succès grâce au soutien de l'URSS, alliée de l'Allemagne : "un gouvernement décidé à poursuivre avec l'URSS, pays du socialisme, une politique d'amitié qui compléterait heureusement le Pacte germano-soviétique et contribuerait à créer les conditions d'une paix juste et durable."
 
On notera que le Parti communiste plaide avec enthousiasme pour une alliance Thorez-Hitler-Staline en appelant à la signature d'un Pacte d'amitié franco-soviétique qui compléterait "heureusement" le Pacte germano-soviétique.
 
Par son contenu, cet appel reflète la ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe et germanophile du PCF.
 
 
 L'Humanité Clandestine
 
La propagande antigaulliste du PCF sera constante, virulente et calomnieuse. Un exemple : l'Humanité clandestine.
 
L'organe central du PCF accusera le chef de la France Libre d'être un "agent de la finance anglaise" qui par vénalité veut "faire battre les Français pour la City" (l'Humanité du 1/07/40), d'être non seulement un belliciste qui veut "entraîner à nouveau les Français dans la guerre" mais aussi un traitre qui agit sur "ordre de l'Angleterre impérialiste" (l'Humanité du 4/07/40), d'être un "ennemi du peuple" et de "vouloir la victoire de l'impérialisme anglais parce que c'est son intérêt" (l'Humanité du 14/02/41), d'avoir pour projet non seulement de "détruire à jamais les libertés publiques" mais aussi de préserver "l'horrible régime du sabre et du coffre-fort" autrement dit le régime capitaliste (l'Humanité du 5/03/41), d'être à la tête d'un mouvement "foncièrement réactionnaire et antidémocratique" autrement dit fasciste et de vouloir en réalité "priver notre de pays de toute liberté au cas d'une victoire anglaise." (l'Humanité n° spécial du 18/03/41), d'être un "assassin de la liberté" (l'Humanité n° spécial du 1/05/41), de faire couler "le sang français" (l'Humanité du 13/06/41) et enfin d'être comparable au Maréchal Pétain qui "fait tuer des enfants de France pour l'Allemagne" en faisant "tuer d'autres Français pour l'Angleterre" (l'Humanité du 20/06/41).

 
Invasion de l'URSS
 
Le 22 juin 1941, l'Allemagne est en mesure d'envahir l'Union soviétique en raison de leur frontière commune issue de leur partage de la Pologne en septembre 1939. Cette attaque marque la fin de l'alliance germano-soviétique dont le fondement politique était le Pacte de non-agression du 23 août 1939 et le Traité de frontières et d'amitié du 28 septembre 1939.

Un commentaire : les communistes peuvent remercier Hitler car sans cette attaque ils seraient encore les alliés des nazis aujourd'hui.

Pour sa défense l'URSS peut compter sur le soutien de l'Internationale communiste qui mobilise immédiatement ses membres.

La Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC) autrement dit le Parti Communiste Français (PCF) reçoit ses Instructions dans un télégramme du 25 juin 1941 co-signé par son secrétaire général, Maurice Thorez, qui s'est réfugié en Russie après sa désertion en octobre 1939 :

"Le moment est venu rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste, dont partisans comprennent que lutte héroïque peuple soviétique contre agression hitlérienne répond intérêts peuple français et que libération France est liée à victoire Union soviétique. Collaboration doit s'établir sur la base suivante. Lutte commune pour libération nationale. Efforts communs contre ennemi commun, le fascisme allemand".

Dans ce télégramme, Moscou recommande aux communistes français de "rechercher et organiser contacts directs avec mouvement gaulliste" pour combattre ensemble un "ennemi commun : le fascisme allemand".
 
 
Résistance communiste

C'est sur la base des Instructions du 25 juin 1941 que le Parti communiste s'engagera dans la lutte contre l'occupant allemand.
 
Point important, les communistes se battront pour libérer... l'Union soviétique, leur véritable patrie.

Preuve que cet objectif sera bien celui des staliniens français, l'IC précise dans son télégramme que "libération France est liée à victoire Union soviétique" autrement dit la libération de la France sera la conséquence de celle de l'Union soviétique. La première sera donc subordonnée à la seconde.
 
L'entrée du PCF dans la Résistance changera radicalement le contenu de sa ligne politique. On pourra illustrer ce fait en mettant en avant les éléments suivants :

Tout d'abord, preuve de la souplesse de l'idéologie marxiste, la guerre contre l'Allemagne nazie ne sera plus analysée par les communistes comme une guerre impérialiste, elle sera désormais décrite comme une guerre de libération nationale. Ensuite, conséquence logique de sa nouvelle ligne politique, le Parti communiste abandonnera son programme de gouvernement de février 1941 dans lequel il plaidait pour la constitution d'un Gouvernement de Paix communiste. Autre élément, au mois de juillet, pour la première fois depuis le début du conflit, il s'attaquera à Hitler dans un tract intitulé "Qui est Hitler ?". Au vu des circonstances, on pourrait interpréter ce titre comme un lapsus et l'aveu qu'après 22 mois de silence sur l'allié de Staline les communistes ont vraiment oublié qui était Hitler. Enfin, les staliniens français n'accuseront plus les gaullistes d'être des traîtres au service de l'impérialisme anglais mais les célébreront comme des frères d'armes dans la lutte contre les nazis.
 
Illustration du changement de la propagande communiste concernant le Général de Gaulle et preuve aussi de la volonté du PCF de prendre seule la direction de la Résistance : l'Humanité n° 122 du 29 juillet 1941.
 
Dans un texte intitulé "La Bataille des V" (référence au V des Résistants, symbole du mot victoire depuis le début de 1941, que les Allemands on tenté de combattre en lançant pour leurs troupes un V (victoria) symbolisant leurs succès militaires), l'organe central du PCF propose l'ajout de la faucille et du marteau au V pour marquer l'union des communistes et des gaullistes, et de fait l'abandon du V avec la croix de Lorraine :
 
"Les allemands volent tout; ils ont même voulu voler le V. mais si notre V signifie VICTOIRE, le leur signifie VERBRECHER (criminel) qualificatif qui s'applique bien à Hitler. Afin de différencier nos V des leurs, dessinons-les ainsi :

[Image représentant un V surmonté d'un marteau et d'une faucille], ainsi s'affirme l'union des gaullistes, des communistes et de tous les patriotes dans le Front National de l'Indépendance de la France."
 
 
 
Résistance française
 
Tous les faits précédemment exposés imposent de faire une claire distinction entre Résistance française et Résistance communiste. 
 
La première fondée par le Général de Gaulle en juin 1940 avait pour objectif la libération de la France.  La seconde initiée par le PCF en juin 1941 était un soutien à l'effort de guerre soviétique.

La création par le Parti communiste de structures non partisanes ayant pour objectif la libération du territoire national n'a été qu'une tactique visant à recruter des Français pour combattre les Allemands. L'objectif stratégique a toujours été le même. 
 
 
Chapitre III

Ligne du PCF
entre juin 1940 et juin 1941
 
Entre juin 1940 (défaite de la France) et juin 1941 (invasion de l'URSS par les armées allemandes), dans une France occupée par les nazis, en totale conformité avec les Instructions de Moscou, le PCF s'est mobilisé sur une ligne pacifiste, antigaulliste, anglophobe et germanophile.

Si l'on suit une période saisonnale, on peut dire que l'été 1940 a été marqué non seulement par les négociations que le Parti communiste a menées avec les autorités allemandes pour obtenir la légalisation de ses activités mais aussi par la diffusion d'un Appel au "Peuple de France" dans lequel il plaidait pour la constitution d'un Gouvernement de Paix dirigé par Maurice Thorez.

Tract le plus important de l'automne 1940, la "Lettre aux militants communistes" se félicitait de la défaite de la France ("un puissant impérialisme a été abattu") et illustrait un nouveau thème dans la propagande communiste : la dénonciation commune des agents de l'impérialisme anglais (De Gaulle) et des serviteurs de l'impérialisme allemand (Doriot à Paris et Pétain à Vichy) qui étaient tous accusés de vouloir engager une nouvelle fois la France dans une guerre impérialiste.

A l'hiver 1940-1941, le Parti communiste a publié sous le titre "Pour le salut du Peuple de France" un programme de gouvernement dans lequel il s'engageait à établir des relations pacifiques entre la France et l'Allemagne d'Hitler et à instaurer des rapports fraternels entre le peuple français et le peuple allemand.

Enfin, le tract le plus important du printemps 1941 a été un appel intitulé "Pour la formation d'un Front national de lutte pour l'indépendance de la France" dans lequel il appelait les Français à se mobiliser pour maintenir la France hors du conflit anglo-allemand.
 
 
 
Pour étayer toutes les affirmations précédentes et prouver dans le même temps le mensonge des historiens qui affirment soit que le Parti communiste s'est engagé dans la Résistance dès juin 1940 soit qu'il a eu une attitude attentiste jusqu'en juin 1941, on reproduira dans les quatre Parties qui suivront des textes diffusés par le PCF entre juin 1940 et juin 1941 :

Partie I : Eté 1940.
Partie II : Automne 1940.
Partie III : Hiver 1940/41.
Partie IV : Printemps 1941
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