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"Seuls, les députés communistes résistèrent au courant belliciste" (Les députés communistes au service de Vichy)

Le 3 avril 1940, le 3e tribunal militaire de Paris condamne 27 députés communistes à 5 ans de prison, 9 à la même peine par contumace et 8 à 4 ans de prison avec sursis pour leur engagement en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie.

Entre août et décembre 1940, au moins 8 de ces 27 condamnés écriront aux autorités de Vichy pour demander leur libération et proposer leur témoignage contre les dirigeants de la IIIe République accusés par la Cour suprême de justice d'être les responsables de la guerre et de la défaite.

Rédigées à titre personnel ou au nom de tous les députés emprisonnés, ces lettres approuvent non seulement la création d'une juridiction d'exception par le pouvoir pétainiste mais en plus le procès organisé par Vichy contre des hommes politiques qui étaient favorables à la guerre contre Hitler.

De fait, elles viennent s'ajouter à tous les documents prouvant la compromission des communistes avec le Maréchal Pétain ou les Allemands. Elles sont une preuve supplémentaire que le Parti communiste n'a jamais résisté avant le 22 juin 1941 et l'invasion de l'URSS par les armées allemandes.


Procès de 44 députés communistes

Le 20 mars 1940 s'ouvre devant le 3e tribunal militaire de Paris le procès de 44 députés communistes. 

Inculpés et incarcérés en octobre 1939, ces parlementaires sont accusés d'avoir enfreint le décret de dissolution du Parti communiste en adressant  une lettre au président de la Chambre dans laquelle ils appelaient à l'organisation d'un vote du Parlement en faveur d'une "paix juste, loyale et durable, que du fond de leur cœur souhaitent tous nos concitoyens".

Pendant l'instruction, ils sont restés fidèles au Parti et à sa ligne pacifiste à l'exemple de François Billoux qui au cours d'une audition à dénoncer l'illégitimité de la guerre en affirmant qu'une victoire de l'ennemi nazi ou de l'allié anglais condamnerait indifféremment la France à la servitude :

"Cette guerre sera néfaste pour la France. Vaincus, nous serons les esclaves d'Hitler. Vainqueurs, nous serons les domestiques de Chamberlain." (1)

Ils feront de même au cours du procès avec comme fait marquant la Déclaration prononcée par François Billoux au nom de ses co-accusés :

"Nous sommes poursuivis parce que nous nous sommes dressés et que nous dressons avec la dernière énergie contre la guerre impérialiste qui sévit sur notre pays, parce que nous appelons le peuple à exiger qu'il y soit mis fin par la paix, parce que nous indiquons au peuple de France le moyen de rendre notre pays libre et heureux. [...]
Communistes français. Avec Maurice Thorez, André Marty, Jacques Duclos, et tous nos amis co-inculpés, nous travaillons à la libération de notre pays.
Nous voulons le débarrasser de la guerre.
Nous appelons le peuple à imposer la paix."

Dans son jugement rendu le 3 avril 1940, le tribunal militaire condamne 27 députés communistes à 5 ans de prison ferme, 9 à la même peine par contumace et 8 à 4 ans de prison avec sursis.

Député des Bouches-du-Rhône et membre du Bureau politique, François Billoux et ses 26 camarades purgeront leur peine à la prison militaire de la Santé à Paris.

(1) Lettre de François Billoux du 19 décembre 1940 .


Régime de Vichy

Dans la soirée du 16 juin 1940, le Maréchal Pétain est nommé à la présidence du Conseil. Le lendemain, le nouveau président du Conseil entre en contact avec le gouvernement allemand pour mettre fin aux hostilités. 

Signé le 22 juin, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France. Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation de la moitié de son territoire, le maintien en captivité de 1,5 millions prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé à 400 millions de francs.

Le 10 juillet à Vichy, l'Assemblée nationale - réunion de la Chambre des députés et du Sénat - vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.:

"L'Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l'État français. Cette constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie."

Investi des pouvoirs constituants, le président du Conseil signe le lendemain les Actes constitutionnels n° 1, 2 et 3 en vertu desquels il est désigné "chef de l'Etat français" cumulant sur sa personne les pouvoirs exécutif et législatif.

Plus communément désigné comme le Régime de Vichy, l'Etat français succède à la IIIe République.

Le 30 juillet, le chef de l'Etat français institue une Cour suprême de justice - Acte constitutionnel n° 5 - chargée de juger les responsables de la déclaration de guerre de 1939 et de la défaite en 1940. Elle siégera dans le Palais de justice de Riom.

Cette juridiction d'exception engagera des poursuites contre plusieurs dirigeants de la IIIe République et notamment deux anciens présidents du Conseil : Edouard Daladier, radical-socialiste, et Léon Blum, socialiste.


Au service de Vichy

Au début de juin 1940, en raison de l'avancée des armées allemandes sur Paris, les 27 députés communistes emprisonnés sont évacués dans plusieurs centres de détention éloignés de la région parisienne. Ils sont de nouveau réunis à la prison du Puy-en-Velay en Haute Loire le 29 juin 1940. En octobre 1940, 11 députés sont envoyés à la prison de Valence.

Entre août et décembre 1940, au moins 8 députés communistes emprisonnés adresseront une lettre au président de la Cour suprême de justice, au ministre de la Justice, Raphaël Alibert ou directement au Maréchal Pétain.

Dans leurs lettres, Virgile Barel, Joanny Berlioz, Gaston Cornavin, Alfred Costes, Georges Lévy et Lucien Midol, demandent expressément à pourvoir témoigner devant la Cour suprême de justice contre les fauteurs de guerre parmi lesquels sont nommément cités Edouard Daladier et Léon Blum, les deux anciens alliés du PCF dans le Front Populaire.

Gaston Cornavin résume d'une phrase leurs motivations : "seuls, les députés communistes résistèrent au courant belliciste".

Dans une lettre datée du 1 octobre 1940, soit 1 an après la lettre au président Herriot dont il était l'un des deux signataires, Florimond Bonte, député de la Seine et membre du Comité central, sollicite le Maréchal Pétain pour obtenir la libération des 27 députés communistes emprisonnés :

"Nous avions raison de réclamer la paix. [...] Nous avons droit à l'annulation de notre procès. Nous avons droit immédiatement à la liberté". (1)

Enfin, le 19 décembre 1940, François Billoux, député des Bouches-du-Rhône et membre du Bureau politique, écrit au nom de ses camarades à... "Monsieur le Maréchal Pétain, chef de l'Etat français".

Dans cette lettre adressée au signataire de l'armistice franco-allemand et au fondateur du Régime de Vichy, le dirigeant communiste formule une demande de libération et une offre de service :

"Si vous voulez donc en finir avec les mensonges, monsieur le Maréchal, il faut aussi libérer immédiatement tous les communistes et les seuls députés qui se sont dressés contre la guerre. [...]
Étant donné que rien n'a été publié sur les débats en huis-clos de notre procès, où nous avions dénoncé les vrais fauteurs de guerre, je demande à être entendu comme tous mes amis, en qualité de témoin par la Cour suprême de Riom"

(1) J.P. Besse, C. Pennetier, Juin 1940 La négociation secrète", 2006, p. 75.


Six lettres de députés communistes

On citera des extraits de six lettres de députés communistes dans lesquelles ils se proposent de témoigner contre les dirigeants de la IIIe République poursuivis par la Cour de Riom :

Joanny Berlioz

Détenu à la prison du Puy-en-Velay, Joanny Berlioz, député de la Seine et membre du Comité central écrit le 4 août 1940 à Raphaël Alibert, garde des sceaux, ministre secrétaire d'Etat à la justice :

"J'ai appris par des visiteurs que le gouvernement avait créé un tribunal suprême qui doit prochainement juger un certain nombre de responsables des malheurs de notre pays. Je vous prie de bien vouloir me faire citer à titre de témoin à charge devant cette haute juridiction. Je suis sûr que ce désir est également celui de mes vingt-six collègues emprisonnés comme moi arbitrairement depuis dix mois, et aujourd'hui à la maison d'arrêt du Puy.
De par les fonctions que nous avions occupées au Parlement et de par les relations que nous avons eues avec de multiples personnalités politique, nous sommes en effet en mesure d'apporter à la Cour des informations d'un intérêt capital sur les agissements scandaleux dont la France a été victime.
Nous avons été précisément poursuivis, persécutés et condamnés sur l'ordre d'individus hier maîtres des destinées de la France qui vont être traduits devant le Tribunal suprême comme coupables de faiblesses lamentables, d'incapacité foncière ou de honteuses trahisons. Ils se sont acharnés contre nous dans le but de dissimuler ou de faire oublier leur politique néfaste aux intérêts de la nation. Nos déclarations contribueraient largement à mettre à nu les turpitudes de ces anciens dirigeants en même temps qu'elles seraient le point de départ pour la révision de notre procès, monstrueuse parodie de justice, et notre éclatante réhabilitation.
Le peuple de France réclame le châtiment de tous les vrais responsables des maux qui l'accablent. Dans l'espoir d'aider la lumière à se faire sur ce point, je sollicite donc d'être appelé à titre de témoin à charge devant la Cour suprême. (1)

N'ayant pas reçu de réponse, le député de la Seine renouvelle sa proposition dans une lettre du 8 décembre 1940 envoyée cette fois au président de la Cour de Riom :

"Ayant appris que le procès des accusés Daladier, Paul Reynaud, Gamelin et consorts devait s'ouvrir bientôt, je me permets, Monsieur le Président, de vous renouvelez directement ma demande... Je crois être en mesure d'apporter à la Cour suprême des informations susceptibles de l'éclairer. Je pourrais notamment fournir des renseignements utiles sur la soumission aveugle de nos gouvernants aux volontés de l'impérialisme britannique, qui fut sans contexte une des causes de la guerre... Notre procès fut une illustration du régime de la dictature du mensonge, si justement flétri par M. le Maréchal Pétain, chef de l'Etat français... Je sollicite donc, Monsieur le Président, d'être appelé comme témoin à charge devant le tribunal suprême que vous avez l'honneur de présider". (2)

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On notera que dans cette seconde lettre de décembre 1940, Joanny Berlioz dénonce "l'impérialisme britannique" et fait l'éloge du discours prononcé par "M. le Maréchal Pétain, chef de l'Etat français" le 25 juin 1940.

1) Anglophobie du Part communiste.

La dénonciation de l'impérialisme anglais a été une constante de la propagande communiste entre 1939 et 1941 avec deux période distinctes.

Tout d'abord la guerre franco-allemande au cours de laquelle le Parti communiste a dénoncé la soumission de la France à l'Angleterre impérialiste. Citons en exemple l'Appel au "Peuple de France" du 14 octobre 1939 :

" La guerre qui est imposée au peuple de France est une guerre de capitalistes, une guerre qui dresse l'un contre l'autre l'impérialisme anglais et l'impérialisme allemand, cependant qu'au peuple de France est réservée la mission d'exécuter les consignes des banquiers de Londres. "

Ensuite l'occupation allemande au cours de laquelle les communiste ont dénoncé le Général de Gaulle comme un agent de l'impérialisme anglais. Citons en exemple l'Humanité n° 58 du 1 juillet 1940 :

PAS POUR L'ANGLETERRE

Le Général de Gaulle et autres agents de la finance anglaise voudraient faire battre les Français pour la City et ils s'efforcent d'entraîner les peuples coloniaux dans la guerre.
Les Français répondent le mot de Cambronne à ces Messieurs; quant aux peuples coloniaux ils pourraient bien profiter des difficultés que connaissent leurs oppresseurs pour se libérer. VIVE L'INDEPENDANCE DES PEUPLES COLONIAUX.

Cette propagande anglophobe a pris fin en juin 1941 avec l'invasion de l'URSS par les armées allemandes et l'entrée des communistes dans la Résistance.

2) Discours du Maréchal Pétain du 25 juin 1940.

Dans son discours du 25 juin 1940, consacré à la justification des armistice franco-allemand et franco-italien, le Maréchal Pétain dénonce notamment les mensonges de la IIIe République belliciste : "Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal".

De sa prison du Puy-en-Velay, Joanny Berlioz approuve cette condamnation du régime républicain : "Notre procès fut une illustration du régime de la dictature du mensonge, si justement flétri par M. le Maréchal Pétain, chef de l'Etat français".

(1) J.P. Besse, C. Pennetier, Juin 1940 La négociation secrète, 2006, pp. 175-176.
(2) A. Rossi, La guerre des papillons, 1954, pp. 31- 32.


Georges Levy

Détenu à la prison de Valence, Georges Lévy, député du Rhône, écrit le 30 octobre 1940 au président de la Cour de Riom :

"Il n'est pas possible que vous paraissiez vouloir donner en pâture quelques coupables seulement à la colère du Peuple, il est nécessaire que tous les coupables soient poursuivis. Vous n'ignorez pas qu'ils sont nombreux; ce sont tous les représentants de la Nation, à l'exception de l'ancien groupe communiste... Ils ont proclamé l'état de guerre sans l'approbation des Chambres, ils ont violé la Constitution de 1875 alors en vigueur."

Il dénonce ensuite les erreurs de la France, "à la remorque de l' Angleterre", en matière de politique étrangère avant de conclure : "Il vous apparaîtra, à la lumière des explications ci-dessus, l'intérêt que présente notre témoignage pour la manifestation de la Vérité." (1)

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Georges Lévy reprend l'un des arguments formulés par le PCF pour justifier son oppositon à la guerre : la France est entrée en guerre contre l'Allemagne nazie le 3 septembre 1939 sans vote du Parlement.

En réalité, le gouvernement d'Edouard Daladier a obtenu de fait cette autorisation le 2 septembre 1939 avec le vote unanime du Parlement en faveur des crédits militaires, y compris les députés et sénateurs communistes.

Ce vote des parlementaires communistes permet de rappeler que ce n'est qu'après la réception des instruction de l'IC du 9 septembre 1939 que le Parti communiste s'est engagé en faveur de la Paix avec l'Allemagne nazie. Le premier texte illustrant cette nouvelle ligne fut la Résolution "Il faut faire la Paix" adoptée par son Comité central le 21 septembre 1939.

Dans sa volonté de prouver qu'il s'est toujours opposé à la guerre impérialiste, le Parti communiste a même été jusqu'à nier le vote des crédits militaires par ses parlementaires. Ainsi, en novembre 1940, il a diffusé à 200 000 exemplaires une "Lettre aux militants communistes" signée par Maurice Thorez et Jacques Duclos dans laquelle on peut lire le passage suivant :

"En nous dressant contre la guerre impérialiste, dans laquelle la France avait été jeté par un gouvernement indigne soutenu par le Parlement unanime, à l'exception des communistes, nous avons rempli notre devoir de prolétaires révolutionnaires ne perdant pas de vue que, selon la belle formule de Karl Liebknecht, « L'ENNEMI EST CHEZ NOUS »".

A cette période de l'occupation allemande les communistes revendiquaient l'honneur d'être... les pacifistes de la première heure.

On notera aussi dans cette lettre de Georges Lévy un autre élément récurrent de la propagande du PCF : l'anglophobie.

(1) A. Rossi, La guerre des papillons, 1954, p. 34. (Note : datée du 30 octobre 1940, la lettre de Georges Lévy est mentionnée dans cet ouvrage avec la date du 8 novembre 1940).


Gaston Cornavin

Détenu à la prison de Valence, Gaston Cornavin, député du Cher et membre du Comité central, s'adresse au président de la Cour de Riom dans une lettre datée du 30 octobre 1940 : 

"Le haut Tribunal que vous présidez va juger incessamment les hommes d'Etat sur qui pèse la responsabilité de l'entrée de la France dans la guerre et de la tragique situation où, de ce fait, notre pays se trouve plongé. L'enquête et le procès doivent, selon les déclarations officielles, s'étendre à tous les responsables sans exception. Il m'apparait, dans ces conditions, que mon témoignage peut utilement concourir à l'affirmation de la vérité... L'entrée de la France dans la guerre fut faite illégalement, en violation de la Constitution 1875 alors en vigueur... Seuls, les députés communistes résistèrent au courant belliciste ainsi déclenché... Tous les parlementaires et les chefs de tous les partis, à l'exception des seuls communistes, approuvèrent la politique gouvernementale tant intérieure qu'extérieure, l'acclamèrent et votèrent toutes les illégalités perpétrés... Le peuple français paie aujourd'hui, de son sang, de ses souffrances, des ruines qui s'accumulent sur le sol du pays, les crimes des hommes et des partis qui l'ont plongé dans la guerre. Il a le droit total, absolu, souverain, d'exiger toute la vérité et de connaître tous les responsables, afin que le châtiment soit juste et le garantisse contre tout retour de pareils agissements. Le duper serait le trahir à nouveau... C'est pourquoi j'ai l'honneur de demander à être cité comme témoin devant la Cour dans le procès qui va s'ouvrir." (1) 

(1) A. Rossi, La guerre des papillons, 1954, pp. 34-35. (Note : datée du 30 octobre 1940, la lettre de Gaston Cornavin est mentionnée dans cet ouvrage avec la date du 8 novembre 1940).


Virgile Barel

Le 11 novembre 1940, les étudiants et lycéens parisiens se rassemblent à l'Etoile et sur les Champs-Elysées pour commémorer malgré l'interdiction de l'occupant allemand l'armistice victorieux de 1918.

Au même moment, Virgile Barel, député des Alpes-Maritimes détenu à la prison de Valence, écrit une lettre au Maréchal Pétain :
 
"M. le Maréchal, en ce jour anniversaire de l'armistice qui a terminé la guerre de 1914-1918, j'ai l'honneur de vous présenter les réflexions suivantes, dans le dessein d'obtenir d'être appelé comme témoin lors du procès de Riom.
J'ai le souvenir de l'immense soulagement que nous avons ressenti, nous les Combattants, le 11 novembre 1918, parce que prenaient fin nos souffrances de guerre. J'ai aussi le souvenir du leitmotiv des discours et des écrits des dirigeants de la France d'alors, écrasant le militarisme allemand, et que nous n'aurions plus de guerre. J'ai enfin le souvenir du serment que j'ai fait et qu'ont fait mes Camarades étrangers : « Nous jurons de faire tout notre possible pour empêcher qu'une pareille tuerie frappe nos enfants ».
Militant, puis député du Parti communiste, j'ai avec des millions de Français, respecté cet engagement et lutté contre tous les mensonges de guerre. Nous avons dénoncé le caractère impérialiste des guerres du Rif et de Syrie ; nous avons sans cesse agit pour que la France ait une politique de paix ; nous avons, avec force, dénoncé la trahison des intérêts de la France et de son peuple par les Gouvernants, lors des accords de Munich ; nous avons en octobre 1939, une fois de plus, tenu notre serment de lutte contre la guerre impérialiste en demandant que soient étudiées les éventuelles proposition de paix." (1)

Après avoir rappelé que les députés communistes ont été jugés et condamnés pour avoir formulé cette requête, le député des Alpes-Maritimes poursuit : "Cette iniquité, ce sont les ex-présidents du conseil Daladier et Paul Reynaud qui l'ont commise. Maintenant ces hommes politiques sont accusés d'avoir voulu et déclaré illégalement la guerre, dont le pays subit et subira les terribles conséquences. Ils sont traduits devant le tribunal suprême de Riom. Je demande a être entendu à sa barre comme témoin à charge. Je le demande comme homme politique..." (2)

(1) Vincent Chambarlhac, Histoire documentaire du Parti Socialiste: Tome 3, Les Centres socialistes 1940-1969, 2005.
(2) A. Rossi, La guerre des papillons, 1954, p. 32.

Lucien Midol

Détenu à la prison de Valence, Lucien Midol, député de Seine-et-Oise et membre du Bureau politique, sollicite le président de la cour de Riom dans une lettre datée du 8 décembre 1940 :

"Monsieur le Président de la Cour de Riom, j'ai l'honneur de vous demander à être entendu comme témoin par le Procureur dans le procès intenté contre MM. Daladier, P. Reynaud, Gamelin, et en général contre ceux qui sont considérés, par le Gouvernement actuel, comme les responsables de la déclaration de guerre de 1939 et de la défaite de notre pays en 1940.
Ancien député communiste, je suis actuellement détenu au régime de droit commun, bien que l'acte qui a servi de base à ma à ma condamnation soit parfaitement constitutionnel et d'un caractère nettement politique.
Je ne puis donc connaître, comme si j'étais libre ou simplement en régime politique, les véritables motifs de l'inculpation lancée par la Cour de Riom.
Je crois cependant savoir qu'elle vise les actes immédiats ou plus lointains des anciens gouvernants. On leur reprocherait d'avoir soutenu une politique étrangère fausse, inspirée par un nationalisme ombrageux ou un pacifisme déréglé. On ajouterait que le Gouvernement Daladier a déclaré la guerre sans l'avoir préparée, sans avoir consulté les Chambres. Enfin, on ajouterait que l'union des Français, que n'ont a pas pu ou pas voulu réaliser les équipes gouvernementales est une des conditions essentielles de l'indépendance, de la sécurité et du relèvement de notre pays.
Mes amis Communistes et moi-même avons toujours lutté en faveur de la paix juste et durable entre les peuples. Nous avons été contre le traité de Versailles, contre l'occupation de la Ruhr, pour l'entente avec la avec la République allemande de Weimar. Nous avons été contre une politique de compromis et de capitulation qui ne diminuait pas les dangers de guerre et qui augmentait, à notre désavantage, la puissance de l'agresseur possible. Nous avons lutté pour une politique étrangère française indépendante de celle des nations voisines, appuyée sur des pactes de sécurité collective, comme le Pacte d'assistance mutuelle franco-soviétique que M. Laval a signé à Moscou en 1936 (1). Nous avons approuvé la déclaration de Staline au même M. Laval. La France a raison de mettre sa défense au niveau de sa sécurité (2).
Mes amis et moi avons lutté en faveur de l'union de la Nation Française qui permettait à notre pays d'être fort, libre et puissant, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, pour annihiler les efforts des oligarchies qui mettaient leurs intérêts au-dessus des intérêts de la Nation, ceux-ci se confondant eux-mêmes avec ceux des dizaines de millions de travailleurs qui la composent en presque totalité avec leurs propres fils.
Je pense, qu'en apportant à la barre de votre juridiction les faits précis que j'ai pu découvrir dans la bataille que mes amis et moi avons mené, aux risques de notre liberté, contre la politique dénoncée actuellement (3), j'aiderai à la découverte des coupables. Ils ne comprennent certainement pas uniquement les chefs responsables des gouvernements, mais leurs collaborateurs dans les conseils gouvernementaux, dans les hautes directions ministérielles, dans les comités consultatifs ou conseils supérieurs dépendant de ces ministres, ainsi que ceux qui les ont soutenus et approuvés par leurs votes jusqu'au moment de la débâcle, même si actuellement ils font amende honorable". (4)

(1) le Pacte d'assistance mutuelle franco-soviétique a été signé à Paris le 2 mai 1935.
(2) Dans le communiqué clôturant les conversations franco-soviétiques qui se sont tenues du 13 au 15 mai 1935 à Moscou et auxquelles ont participé d'une part Pierre Laval et d'autre part Litvinov, Molotov et Staline, on peut notamment lire : "Staline comprend et approuve pleinement la politique de défense nationale faite par la France pour maintenir sa force armée au niveau de sa sécurité."
(3) par le gouvernement de Vichy.
(4) Vincent Chambarlhac, Histoire documentaire du Parti Socialiste: Tome 3, Les Centres socialistes 1940-1969, 2005

Alfred Costes

Le 8 décembre 1940, Alfred Costes, député de la Seine, envoie une lettre au Maréchal Pétain :

"J'ai appris qu'il était constitué une Cour suprême de justice pour juger les responsables de la catastrophe dans laquelle est plongé notre pays. J'ai appris que parmi les accusés figuraient notamment MM. Léon Blum, Daladier, Paul Reynaud... et que leur procès va s'ouvrir incessamment [...] Dans ces conditions, Monsieur le Maréchal, j'ai l'honneur de vous demander d'être cité à comparaître devant la Cour suprême en qualité de témoin à charge." (1)

(1) A. Rossi, La guerre des papillons, 1954, pp. 33-34.