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Les députés ex-communistes forment un nouveau groupe à la Chambre : l'Union populaire française (UPF)

Le 8 décembre 1939, 5 députés démissionnaires du Parti communiste forment un nouveau groupe parlementaire sous le nom d'Union populaire française.

Partisan de la guerre contre l'Allemagne d'Hitler, l'UPF enregistrera 8 nouvelles adhésions en décembre, janvier et février.

Par leur prise de position, ces 13 parlementaires ne seront pas visés par la Résolution de la Chambre du 31 janvier 1940 validant la déchéance de 60 députés communistes en application de loi du 20 janvier 1940 prononçant la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont rompu avec le PCF. 

Dernier élément, au vote de l'Assemblée nationale du 10 juillet 1940 attribuant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, 10 membres de l'UPF seront présents : 7 voteront pour, 3 contre.


Formation de l'UPF

Cinq fondateurs

Le 8 décembre 1939, un nouveau groupe parlementaire est constitué à la Chambre des députés : l'Union populaire française (UPF). (1)

Il est composé de 5 députés : René Nicod (président du groupe), Marcel Capron (secrétaire général du groupe), Marcel Brout, Jules Fourrier et Paul Loubradou,

Particularité de ces députés : ils ont rompu avec le Parti communiste pour protester contre son engagement en faveur de l'alliance germano-soviétique et de la Paix avec l'Allemagne nazie.

(1) Journal officiel du 8 décembre 1939


Paul Loubradou

Le 26 août 1939, Paul Loubradou, député Dordogne, envoie sa lettre de démission à Jacques Duclos, secrétaire général du groupe communiste.

Le motif de sa rupture : la signature du Pacte germano-soviétique du 23 août 1939 que le groupe parlementaire communiste a approuvé la veille malgré son opposition.

Paul Lounbradou donnera à ses électeurs les raisons de sa décision dans une lettre publiée dans La France de Bordeaux et du Sud-Ouest (édition de Dordogne) :

"En plein tumulte européen, au moment même où il suffit d'une étincelle pour faire sauter la mine, un événement inouï se produit : la Russie de Staline signe un pacte avec l'Allemagne d'Hitler. Durant cinq jours et cinq nuits, oubliant nourriture et sommeil, parfaitement calme et objectif, je me suis posé la question : ce pacte sert-il la paix, la liberté le socialisme, l'indépendance des peuples ? J'ai lu écouté, observé, en tous lieux, à chaque heure. Et je suis arrivé à cette conclusion : le gouvernement soviétique pouvait et devait signer le pacte anglo-franco-soviétique. Ce faisant, il garantissait la paix, ou, en cas de guerre, la victoire et l'écrasement du racisme. Son prestige y gagnait en grandeur et en qualité, et les peuples pouvaient se réjouir d'espérance illimitées.
Au lieu de cela, c'est le contraire qui se produit, et dans quelles conditions. Staline se réfugie dans le dédale souterrain des finasseries diplomatiques, provoquant ainsi, parmi les masses, le plus inimaginable et le plus dangereux désarroi que le monde ait connu. Je prie quelques camarades dont la bonne foi n'est pas douteuse de na pas se battre les flancs pour tenter de justifier l'injustifiable à l'aide de subtiles considérations sur la stratégie diplomatique et sur les nécessités révolutionnaires, car ce n'est de l'an 2000 qu'il s'agit, mais de l'immédiat. Or, pour l'immédiat, deux constations s'imposent :
1. le pacte germano-soviétique constitue un terriblement encouragement à l'agression;
2. il a fallu à Hitler cinq années d'efforts et de sauvagerie pour écraser le communisme - et la liberté - en Allemagne, en Autriche... en Tchécoslovaquie; il n'aura fallu que cinq jours à Staline pour l'écraser en France [...]
J'ai bataillé, bien modestement je le sais, durant plus de trente ans pour un idéal dont j'emporterai le culte dans la tombe; je frémis aujourd'hui devant le coup terrible que lui porte la volte-face stalinienne. J'ai pris la grave détermination de démissionner du parti communiste français parce que les dirigeants de ce parti ont spontanément approuvé, avec une incroyable légèreté de lien et de fond, un acte que je réprouve de toute mes forces ! J'ai pensé aux millions d'êtres humains qui ont roulé dans le malheur, la servitude ou la mort, souvent héroïquement, pour avoir voulu résister à la barbarie fasciste ! Je n'ai obéi, par ailleurs, à aucune influence extérieure, à aucun sentiment dégradant ! J'ai tout pesé et je n'ai, en définitive, de compte à rendre qu'a ma conscience ! Puis-je dire que ces comptes sont parfaitement à jour ?
Maurice Thorez [secrétaire général du PCF] a dit souvent : "Nous, communistes, nous ne prenons nos mots d'ordre ni à Moscou, ni à Londres, ni à Rome, ni à Berlin, mais à Paris." Ou c'était inexact, et il aurait dû se taire. Ou c'était exact et, alors, j'ai le droit de dire aujourd'hui que si Staline est russe et agit en Russe, j'ai le droit, moi, d'être français et d'agir en Français !
En ces heures tragiques où se joue le sort de l'humanité, je demande, en conclusion, aux uns et aux autres de réserver leurs appréciations et leurs controverses; je supplie notre peuple de rester uni et courageux pour la salut de la paix, de la liberté, pour le salut de la nation.


Jules Fourrier

Député de la Seine, Jules Fourrier rompt avec le PCF à la suite de l'invasion de la Pologne par les armées soviétiques le 17 septembre 1939. L'Œuvre du 21 septembre 1939 donne le contenu de sa lettre de démission :

"Dans une lettre adressée à Jacques Duclos, secrétaire général du parti [groupe] communiste, Jules Fourrier, député de la Seine, déclare qu'après avoir mûrement réfléchi et avoir milité pendant plus de dix ans au sein du parti communiste, il donne aujourd'hui sa démission du parti parce que, dit-il, « la politique que poursuit présentement l'URSS, favorise l'hitlérisme qui a toujours été un facteur de guerre. »
Il ajoute qu'en se rangeant aux côtés de l'Allemagne hitlérienne, on prend les mêmes responsabilités qu'elle et que l'agression contre la Pologne, pays de 35 millions d'habitants attaqué par deux pays comptant plus de 250 millions d'habitants, constitue « un véritable assassinat prémédité avec les pires ennemis des démocraties à travers le pacte germano-soviétique.
« Ne voulant participer, ni de près ni de loin, conclut-il, à une telle politique, ma place n'est plus dans les rangs de l'Internationale communiste ni dans sa section française.
« Je resterai le militant, ouvrier sincère, modeste, en défendant de toutes mes forces avec le peuple de France nos libertés démocratiques ainsi que notre cher pays menacé par la clique de Berlin. »".


Groupe ouvrier et paysan français

Le 27 septembre 1939, jour de la publication du décret de dissolution du Parti communiste, les députés du groupe communiste présents à la Chambre décident de former un nouveau groupe parlementaire. 

Concrètement, chaque député devra remplir un bulletin d'adhésion. Formalité que ne pourront accomplir les parlementaires mobilisés, sauf en cas de permission. Quant à ceux qui sont dans leur circonscription, ils devront soit revenir à Paris soit renvoyer le bulletin d'adhésion qu'ils auront reçu par voie postale.

Avec 43 adhésions, ce nouveau groupe est formellement constitué le 28 septembre sous le nom de groupe ouvrier et paysan français. Pour marquer son absence de tout lien avec la IIIe Internationale, son programme fait référence à la plateforme adopté en 1880 par le Parti ouvrier français de Jules Guedes


Marcel Brout

A peine constitué le GOPF connaît le 29 septembre sa première défection : Marcel Brout. La démission du député de la Seine est motivée par la signature la veille du Traité de frontières et d'amitié germano-soviétique comme le rapporte Le Matin du 1er octobre 1939 :

"M. Marcel Brout, député de la Seine, vient d'informer M. Ramette, président du nouveau groupe « ouvrier et paysan français », qu'il ne fait plus partie de ce groupe, étant en désaccord avec ses collègues sur le nouveau pacte germano-soviétique qui conclut à l'aide effective de l'Union soviétique à l'Allemagne hitlérienne et qui lui parait être l'aboutissement du premier pacte signé.
M. Brout a exposé dans les couloirs de la Chambre qu'avant la dissolution du parti communiste, il avait indiqué que, s'il avait la conviction que la position de l''URSS consistait à apporter son concours à l'Allemagne hitlérienne pour la poursuite de la guerre, il ne continuerait plus sa collaboration au groupe parlementaire.
C'est pour se conformer à cette déclaration qu'il se retire du groupement qui s'est substitué au groupe communiste et auquel il avait donné son adhésion avant la signature du nouvel accord de Moscou qu'il réprouve."


Lettre au président Herriot

Le 28 septembre 1939, l'URSS et l'Allemagne signent un accord pour se partager la Pologne. Le même jour, les deux bourreaux du peuple polonais publient une Déclaration dans laquelle ils appellent la France et l'Angleterre à s'engager dans des négociations de paix avec Hitler.

Une seule formation politique va soutenir cette offensive de Paix hitléro-stalinienne : le Parti communiste français. Son objectif : démontrer que sa capacité d'action en faveur de la paix avec les nazis n'a pas été altérée par sa dissolution.

Le 2 octobre, le groupe ouvrier et paysan français remet une lettre au président de la Chambre dans laquelle il plaide en faveur de la Paix. Pour justifier leur démarche, les députés communistes accusent la France et l'Angleterre d'être les responsables de la guerre, dénoncent les conséquences d'une guerre longue, condamnent la presse belliciste et enfin invoquent la diplomatie soviétique.

La lettre au président Herriot provoquera une réaction indignée de presse, une condamnation de tous les partis politiques et le plus important l'ouverture d"une procédure judiciaire pour infraction au décret de dissolution.


René Nicod

En désaccord avec le contenu de la lettre adressée au président Herriot, René Nicod met fin à sa relation avec le Parti communiste sous la forme d'une déclarations formelle et non d'une lettre de démission puisqu'il n'est pas membre du GOPF et que le PCF a été dissous

Le 7 octobre, le député de l'Ain envoie un courrier au secrétaire général de la questure de la Chambre dans laquelle il condamne l'initiative du groupe parlementaire communiste :

"Monsieur,
Je vous prie de bien vouloir noter officiellement que je ne suis pas adhérent au groupe parlementaire ouvrier et paysan et que, présentement, je ne suis inscrit à aucun groupe parlementaire.
C'est parce que je n'approuve pas la position politique prise par le groupe parlementaire ouvrier et paysan que je n'adhère pas à ce groupe."

(Journal officiel du 21 février 1940)

Il précisera la nature de ses désaccord avec le Parti communiste dans une lettre adressée aux maires de sa circonscription. On peut lire des extraits de cette lettre dans Le Populaire du 18 octobre 1939 :

"Dans une lettre adressée à tous les maires de la circonscription de Nantua-Gex, René Nicod, député de l'Ain, conseiller général d'Oyonnax, écrit notamment :
« ...Dès le premier jour de la signature du pacte germano-russe de non-agression, j'ai désapprouvé un tel acte diplomatique.
« ...Je désapprouve avec une même énergie l'invasion d'une partie de la Pologne par la Russie des Soviets, de même que je désapprouve toute tentative qui conduirait à un nouveau Munich.
« ...C'est pour ces raisons que je n'ai pas adhéré au Groupe parlementaire dit "Ouvrier et Paysan" dont la position politique me semblait aller à l'encontre du sentiment national. »"


Justice militaire

Le 5 octobre 1939, la justice militaire engage des poursuites contre le groupe ouvrier et paysan français en arguant que sa constitution et sa lettre au président Herriot sont des infractions au décret de dissolution du PCF.

L'enquête est confiée au capitaine de Moissac, juge d'instruction près le 3 tribunal militaire de Paris.


Marcel Capron

Dans la matinée du 5 octobre, le capitaine de Moissac convoque les 43 membres du groupe ouvrier et paysan français.

Député de la Seine, maire d'Alfortville, Marcel Capron est entendu dans l'après-midi comme quatre de ses camarades. D'autres parlementaires seront auditionnés les 6 et 7 octobre.

Compte tenu des réponses données au cours de ces interrogatoires (1), du refus de plusieurs députés de répondre à ses convocations et enfin de la fuite de Ramette et de Bonte - les deux signataires de la lettre - le magistrat instructeur décide d'inculper tous les membres du GOPF. Pour cela, il lance des mandats d'amener.

Marcel Capron est arrêté dans la soirée du 7 octobre dans le département de la Seine par la préfecture de police de Paris. Il passera nuit au Quai des Orfèvres.

Le lendemain, il est conduit dans le cabinet de l'officier instructeur. Après l'interrogatoire d'identité, il est inculpé d'infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 portant dissolution du Parti communiste. Placé sous mandat de dépôt, il est écroué à la prison militaire de la Santé

Entendu sur le fond les 13 et 20 octobre (2), Marcel Capron se désolidarise du PCF en désapprouvant le contenu de la lettre au président Herriot et en indiquant qu'il a démissionné du GOPF dans un courrier envoyée le 11 octobre à la questure de la Chambre.

De larges extraits de sa première audition sont reproduits dans Le Populaire du 14 octobre 1939 :

"Les déclarations faites devant le capitaine de Moissac, officier Instructeur près le 3e tribunal militaire de Paris, par le premier inculpé de l'affaire du groupe parlementaire ouvrier et paysan français, interrogé au fond, Hyacinthe (sic) Capron, président de la commission d'administration générale de la Chambre, ont fait l'effet d'une bombe.
L'inculpé s'est complètement désolidarisé de son groupe. Il s'est dit dégoûté de voir que les dirigeants Florimond Bonte, Ramette et Thorez avaient pris la fuite. Il n'a jamais approuvé les termes de la lettre au président Herriot, termes qu'il n'a connus qu'après coup. Il a protesté ensuite contre cette lettre et il n'a pas été le seul. Avant son arrestation, il a adressé au président de la Chambre sa démission du groupe ouvrier et paysan.
Il n'a pas attendu d'être arrêté pour se désolidariser des dirigeants communistes a-t-il dit au juge, en présence de Me Thérèse Bernheim, collaboratrice de Me André Berthon.
Il a appris dans le Loiret la dissolution du parti communiste, et s'est incliné, « respectueux des lois de la France ».
« Si j'ai donné, ajoute-t-il, mon adhésion au groupe parlementaire ouvrier et paysan français, c'est dans la plénitude de mon droit de représentant du peuple, alors surtout que ce groupe n'avait, pour but, dans mon esprit, que de continuer un travail parlementaire et non de défendre une politique que plusieurs de mes camarades et moi-même ne saurions approuver.
« J'ai formellement désavoué la lettre au président Herriot et je suis indigné des agissements de Thorez, Ramette et Bonte qui sont en fuite au lieu de prendre leurs responsabilités.
« J'ai tenu à écrire au président Herriot pour lui dire que je donnais ma démission du groupe ouvrier et paysan.
Le mercredi 4 octobre, dans la matinée, j'ai vu Renaud Jean à la Chambre. Il m'a mis au courant de la discussion qu'avait, provoquée la rédaction et l'envoi de cette lettre et m'a informé qu'un deuxième document serait adressé au président Herriot pour bien préciser notre pensée. Il ne s'agissait pas d'accepter aveuglément des propositions de paix. mais de demander que la Chambre en discute, étant entendu que notre but était toujours le même : la lutte contre l'hitlérisme. »

Une protestation
devant le groupe

L'après-midi, à une réunion du groupe, j'ai protesté, ainsi que Renaud Jean et, plusieurs collègues, contre les termes de la lettre, j'ai insisté pour que la mise au point fut envoyée déclarant que s'il n'y était pas donné suite, je n'aurais plus qu'à me retirer du groupe. Renaud Jean a prononcé les mêmes paroles.
Le 8 octobre, avant d'être arrêté, j'ai adressé au président Herriot une lettre de démission du groupe; mais le président Herriot considéra que ma première lettre n'était pas une lettre de démission régulière et m'en fit aviser par le secrétariat général législatif. C'est à la suite de la réception de cette lettre que, le même jour, mercredi 11 octobre, j'ai adressé de la prison de la Santé, par pneumatique, ma démission régulière.
Me Thérèse Bernheim a demandé au capitaine de Moissac la mise en liberté provisoire d'Hyacinthe Capron."

Au vu de ses déclarations le député de la Seine est libéré le 25 octobre, quelques jours après sa deuxième audition (3). En février 1940, il bénéficiera d'un non-lieu.

(1) Joints à un rapport de Marty de décembre 1939 sur l'attitude des députés communistes arrêtés en octobre et en novembre (Bonte), les 22 interrogatoires réalisés les 5, 6 et 7 octobre - dont celui de Capron - sont consultables sur le site Pandor qui publie des documents conservés dans les archives de l'IC.
(2) Interrogatoires de Capron sous le statut d'inculpé (site pandor) : 13 octobre / 20 octobre (p. 1 - p. 2)
(3) Le Populaire du 26 octobre 1939.


Programme de l'UPF

En rupture avec le PCF sur la question de la guerre contre l'Allemagne nazie, les cinq fondateurs de "l'Union populaire française" rédigent un manifeste dans lequel ils précisent leurs objectifs en politique intérieure et extérieure.

Les principaux axes de ce programme politique sont présentés dans Le Populaire du 12 décembre 1939 :

"Les députés communistes dissidents qui ont désavoué le pacte germano-soviétique viennent de se constituer en groupe parlementaire autonome.
Ils sont cinq : Brout, Capron, Fourrier, Loubiadou (sic) et Nicoll (sic). Et leur groupe s'appelle « l'Union populaire française ».
Dans le manifeste qu'ils ont rédigé, ils demandent sur le plan intérieur le maintien des lois sociales déjà acquises et la mise en chantier des réformes non réalisées et telles qu'elles étaient définies dans le programme du Front Populaire.
Ils déclarent vouloir lutter toujours pour la sauvegarde et le développement des libertés démocratiques, pour le maintien intégral des droits de laïcité, pour le respect de la liberté d'opinion, du droit syndical, de tous les droits civiques et pour le fonctionnement normal des institutions républicaines.
Sur le plan extérieur, les membres de l'Union Populaire Française restent fidèles à l'organisation de la sécurité collective dans le cadre de la S.D.N., en vue de la résistance à l'agression, quel que soit l'agresseur, pour la sauvegarde des Etats faibles menacés par l'agression, pour la paix et la liberté.
Enfin, ils repoussent avec force tout système qui consisterait à provoquer directement ou indirectement la guerre en vue d'en faire un champ d'expériences révolutionnaires.
Pour aboutir à ces buts essentiels, ils appellent le peuple de France à l'union la plus fraternelle et la plus résolue et se déclarent, sans la moindre arrière-pensée, les partisans toujours déterminés de l'unité politique et syndicale de la classe ouvrière."


Nouvelles adhésions

Décembre 1939

Au mois de décembre 1939, Gustave Saussot et Fernand Valat adhèrent à l'Union populaire française. Ces deux adhésions sont annoncées aux Journaux officiels des 9 décembre 1939 et 31 décembre 1939.


Gustave Saussot

Elu de Dordogne comme Paul Loubradou, Gustave Saussot a démissionné le 26 août 1939 dans les mêmes conditions que son camarade. Adressée à Jacques Duclos, secrétaire général du groupe communiste, sa lettre de démission a été publiée dans Le Populaire du 29 août 1939 :

"Hier, à la réunion du groupe parlementaire communiste, j'ai demandé qu'une délégation intervienne auprès de l'ambassade soviétique afin que celle-ci demande au gouvernement de Moscou de faire une déclaration officielle indiquant qu'en cas de coup de force du fascisme sur Dantzig, coup de force entraînant les démocraties occidentales dans un conflit armé, l'Union Soviétique, fidèle à la politique de résistance à l'agresseur, se rangerait automatiquement aux côtés des pays luttant pour leur indépendance.
Le groupe n'a pas jugé utile de faire cette démarche et je me suis incliné avec le secret espoir qu'au moment où le président Roosevelt adresse un vibrant appel à la raison et tente une ultime démarche pour sauver la paix, la grande voix de l'Union Soviétique se ferait entendre à son tour. Hélas ! 
Les dépêches de cette nuit dissipent mes illusions. L'Union Soviétique qui a si magnifiquement défendu l'Espagne républicaine, qui a tenu ses engagement vis-à-vis de la malheureuse Tchécoslovaquie qui défend seule la Chine, reste passive devant la menace hitlérienne sur Dantzig.
Je suis convaincu que si le gouvernement de Moscou avait pris nettement position le fou névrosé de Berchtesgaden eût capitulé. 
Pour ces raisons, je me trouve en désaccord profond avec cette politique et regrette en conséquence de ne pouvoir continuer ma collaboration avec le Parti communiste français pour le temps où celui-ci marquera son accord avec le gouvernement soviétique et jusqu'au jour où ce dernier reprendra la tête des nations antifascistes pour barrer la route à l'agresseur. 
Je te prie de bien vouloir communiquer ma démission au Parti." 


 Fernand Valat

Membre du GOPF, Fernand Valat a été l'un des 22 députés communistes arrêtés le 8 octobre en province par la Sûreté nationale et transférés dans la nuit vers Paris.

Présenté le lendemain au capitaine de Moissac, le député du Gard a été inculpé et écroué.

Interrogé sur le fond les 17 et 21 octobre (1), Fernand Valat a indiqué qu'il avait démissionné du groupe parlementaire communiste parce qu'il était en désaccord avec la lettre au président Herriot et plus précisément sa référence aux initiatives diplomatiques de l'URSS et qu'il désapprouvait le 2e Pacte germano-soviétique de septembre 1939.

Démissionnaire du Parti communiste, le député du Gard a été libéré le 12 décembre (2).

(1) Interrogatoires de Valat sous le statut d'inculpé pour le mois d'octobre (site pandor) : 9 octobre / 17 octobre / 21 octobre. (Note : pour l'audition du 17 octobre, le texte contient une erreur : Valat est renté à Paris le 4 octobre et non le 2).


Janvier 1940

Gilbert Declercq et Lucien Raux rejoignent leur camarades de l'UPF en janvier 1940 comme l'indiquent les Journaux officiels des 17 janvier 1940 et 19 janvier 1940.

Les deux députés du Nord ont rompu avec le PCF en raison de la lettre adressée au président Herriot par le groupe parlementaire communiste auquel ils n'avaient pas adhéré.

Gilbert Declerq a condamné cette initiative dans une lettre adressée aux questeurs de la Chambre des députés. Elle sera publiée dans Le Populaire du 5 octobre 1939 :

"Je soussigné Gilbert Declercq, député du Nord, maire d'Halluin, ex-membre de l'ancien groupe parlementaire communiste, déclare n'avoir rien de commun avec le nouveau groupe ouvrier et paysan français, encore moins avec la lettre adressée par celui-ci à M. Herriot, président de la Chambre des députés.
Pour qu'il n'y ait aucune équivoque, je demande à être inscrit sans affectation de groupe.
Veuillez agréer, etc...

Lucien Raux a fait de même dans une lettre adressée au président de la Chambre dans laquelle il déclarait qu'il n'avait jamais adhéré au groupe ouvrier et paysan français et qu'il n'appartenait à aucun groupe. (1)

(1) Le Populaire du 19 octobre 1939


Février 1940

En février 1940, l'UPF enregistre quatre nouvelles adhésions - Eugène Jardon, Emile Fouchard, Armand Pillot et Sulpice Dewez - qui seront les dernières et porteront son effectif à 13 membres.

La première est annoncée au Journal officiel du 9 février 1940. Les trois autres à celui du 17 février 1940.


Trois membres du GOPF

Membres du GOPF, Emile Fouchard (Seine-et-Marne), Eugène Jardon (Allier) et Armand Pillot (Seine) ont été arrêtés les 7 et 8 octobre à la demande du capitaine de Moissac avant d'être inculpés et incarcérés.

Auditionnés à plusieurs reprises au cours des quatre mois d'instruction, ils ont condamné l'initiative du groupe parlementaire communiste et indiqué l'avoir quitté pour cette raison.

Démissionnaires du PCF, Emile Fouchard et Eugène Jardon en été libérés en octobre 1939, Armand Pillot en février 1940. Autre conséquence judiciaire : au terme de l'instruction ils ont bénéficié d'un non-lieu.


Sulpice Dewez

Député du Nord mobilisé, Sulpice Dewez a rompu avec le PCF à la suite des incidents qui ont eu lieu à la séance de la Chambre du 9 janvier 1940 - la première de la nouvelle session parlementaire - où il était présent avec plusieurs de ses camarades permissionnaires.

Au début de cette séance, le président d'âge a rendu un hommage aux armées de la République sous les applaudissements enthousiastes de l'ensemble de la représentation nationale à l'exception de quatre députés communistes - Grenier, Guyot, Mercier, Michels - qui entendaient ainsi manifester publiquement et avec éclat l'opposition du Parti communiste à la guerre contre l'Allemagne nazie.

Seuls deux députés communistes ont participé à cette manifestation patriotique : Sulpice Dewez et André Puech.

Le 11 janvier, avec quatre de leurs camarades absents à cette séance, ils ont adressé une déclaration au président de la Chambre dans laquelle ils affirmaient leur attachement à la défense de la France, leur fidélité à leurs devoirs de soldats et enfin leur opposition à l'invasion soviétique de la Finlande :

."Nous affirmons hautement notre attachement la France et à sa défense et notre attachement indéfectible à la cause des revendications des masses laborieuses sur le terrain de la liberté et de la démocratie.
Mobilisés depuis le début de la guerre, nous nous sommes inclinés devant la discipline et avons accompli intégralement notre devoir de soldat.
Nous sommes aujourd'hui en mesure de déclarer que nous ne pouvons que nous élever contre une politique qui a abouti à l'attaque contre la Finlande et à une menace contre la liberté du pays de France par Hitler."


Déchéance des députes communistes

Loi du 20 janvier 1940

A la suite des incidents qui se sont produits à la séance de rentrée de la Chambre, le gouvernement décide de soumettre au Parlement un projet de loi prononçant la déchéance de tous les élus communistes qui n'ont pas avec le PCF à la date du 9 janvier 1940.

Le 16 janvier, après avoir remplacé la date du 9 janvier 1940 par celle du 26 octobre 1939, la Chambre des députés adopte le texte par 522 pour et 2 contre : les députés communistes Adrien Mouton et Etienne Fajon. Les députés de l'UPF se sont abstenus lors du vote de ce texte.

Adopté dans les mêmes termes par le sénat le 19 janvier 1940 par 294 pour et 0 contre, le texte est promulgué par le président de la République Albert Lebrun le 20 janvier 1940 avant d'être publié le lendemain au Journal officiel.

La loi du 20 janvier 1940 stipule dans son premier article que :

"Tout membre d'une assemblée élective qui faisait partie de la section française de l'Internationale communiste visée par le décret du 26 septembre 1939, portant dissolution des organisations communistes, est déchu de plein droit de son mandat, du jour de la publication de la présente loi, s'il n'a pas, soit par une démission, soit par une déclaration, rendues publiques à la date du 26 octobre 1939, répudié catégoriquement toute adhésion au parti communiste et toute participation aux activités interdites par le décret susvisé".

L'article 2 précise que "pour les membres des assemblées législatives la déchéance prononcée par la présente loi est constatée, à la demande du gouvernement, par le Sénat ou par la Chambre des députés".


Résolution du 20 février 1940

Le 31 janvier, conformément à la loi du 20 janvier, le président du Conseil, Edouard Daladier, adresse une lettre à Edouard Herriot dans laquelle il lui demander de faire valider par la Chambre la déchéance de 67 députés communistes.

A la veille de la signature du Pacte germano-soviétique, le groupe parlementaire communiste à la Chambre comprenait 74 membres. On peut donc constater que sept députés ne figurent pas dans la demande du gouvernement. Il y a tout d'abord les six élus qui ont été expressément écartés au motif qu'ils avaient rompu avec le PCF dans les conditions prévues par la loi. Il s'agit de Capron, Brout, Fourrier, Loubradou, Nicod et Saussot. Il y a ensuite, Piginnier qui a démissionné de son mandat en novembre 1939.

Le 20 février, la Chambre des députés vote à l'unanimité - 498 voix pour et 0 contre - une résolution dans laquelle elle constate la déchéance de 60 députés communistes sur les 67 qui figuraient dans la demande du gouvernement.

Elle a décidé de ne pas déchoir sept députés, tous membres de l'UPF : Declercq, Dewez qui pris la parole au cours du débat pour défendre son cas personnel, Fouchard, Jardon, Raux, Valat et Pillot.

Les 6 premiers au motif que les déclarations témoignant de leur rupture avec le PCF étaient, sur la forme, antérieures à la date butoir du 26 octobre 1939 et, sur le fond, sincères et sans équivoque. Quant à Pillot, il conserve aussi son mandat avec cette différence substantielle : la Chambre a justifié sa décision en retenant les propos qu'il avait tenus devant le magistrat instructeur le 27 décembre 1939.

Au cours de cette séance du 20 février, Paul Loubradou a pris la parole au nom de l'Union populaire française. Dans son intervention le député de  Dordogne n'a pas évoqué la question débattue. Il s'est attaché à montrer qu'en rompant avec le PCF les députés de l'UPF étaient restés fidèles aux valeurs du communisme et notamment à l'anti-fascisme. D'ailleurs, il a terminé son intervention en s'adressant "aux travailleurs et aux militants encore abusés et désemparés" pour leur affirmer que la guerre contre l'Allemagne nazie était légitime : "vaincre Hitler, c'est assurer la liberté des peuples et la paix du monde".

En revanche, considérant qu'il ne pouvait être juge et partie, l'UPF n'a pas pris pas part au vote de la résolution.


Vote des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain

Dans la soirée du 16 juin 1940, le Maréchal Pétain est nommé à la présidence du Conseil. Le lendemain, le nouveau président du Conseil entre en contact avec le gouvernement allemand pour mettre fin aux hostilités.

Signé le 22 juin, l'armistice franco-allemand marque la défaite de la France. Dans l'attente des négociations portant sur un traité de Paix, cet armistice impose au pays vaincu l'occupation de la moitié de son territoire, le maintien en captivité de 1,5 millions prisonniers de guerre, la démobilisation et le désarmement de ses forces armées, et enfin le paiement d'une indemnité journalière dont le montant sera fixé à 400 millions de francs.

Le 10 juillet à Vichy, l'Assemblée nationale - réunion de la Chambre des députés et du Sénat - vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain : 

"L'Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l'État français. Cette constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie."

A cette dernière séance parlementaire de la IIIe République, 10 membres de l'UPF étaient présents :

- les députés Declercq, Dewez, Fourrier, Capron, Raux, Pillot et Valat ont voté en faveur de cette loi constitutionnelle.
- les députés Fouchard, Jardon et Nicod ont voté contre et font ainsi partie des 80 parlementaires qui ont refusé d'attribuer les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
- les députés Brout, embarqué sur le Massilia, Loubradou et Saussot n'ont pas participé pas au vote.

Investi des pouvoirs constituants, le président du Conseil signe le lendemain les Actes constitutionnels n° 1, 2 et 3 en vertu desquels il est désigné "chef de l'Etat français" cumulant sur sa personne les pouvoirs exécutif et législatif.

Plus communément désigné comme le Régime de Vichy, l'Etat français succède à la IIIe République.