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Accord de commerce et de crédit germano-soviétique du 19 août 1939

Le 18 juillet 1939, l'Allemagne et l'URSS reprennent les négociations suspendues depuis le mois de février concernant le renouvellement de l'accord de crédit de 1935 et la conclusion d'un accord de commerce.

Officiellement, ces discussions ne concernent que les relations économiques entre les deux pays. En réalité, elles s'inscrivent dans des pourparlers secrets engagés depuis avril et constituent pour les deux parties la première étape d'un processus devant aboutir à la conclusion d'un accord politique.

Ces négociation économiques seront menées par Evgeny Babarin, chef adjoint de la représentation commerciale soviétique à Berlin et Karl Schnurre (1), conseiller de légation au Département économique du ministère des Affaires étrangères allemand. Ce dernier est en charge des relations commerciales avec l'Europe de l'Est, secteur auquel appartient l'URSS.

Elles visent à développer les échanges commerciaux germano-soviétiques qui ont connu une forte diminution avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933.

En effet, de 900 millions de marks en 1932 ces échanges sont tombés à 80 millions de marks en 1938. Plus précisément, dans sa relation avec la Russie, les exportations et importations allemandes s'élevaient pour la première année à 630 M. et 270 M. et pour la seconde à 30 M. et 50 M.

Le 20 août, à 2 h du matin, un accord de commerce et de crédit daté du 19 août 1939 est signé par les deux parties. (2)

(1) Organigramme du ministère des Affaires étrangères allemand.
(2) Texte de l'accord.


Mémorandum de Schnurre

Dans un mémorandum confidentiel en date du 29 août 1939, Karl Schnurre précise le contenu de l'accord de commerce et de crédit du 19 août :

Aux termes de la convention de crédit, l'Allemagne accorde à l'URSS un crédit de 200 millions de marks au taux nominal de 5% avec une durée de 7 ans remboursable à terme pour chaque tranche utilisée. Un protocole secret prévoit une réduction de 0,5 % du taux d'intérêt. Ce crédit permettra à l'URSS de financer sur une période de deux ans ses achats de produits industriels allemands : machineries, machines-outils, matériel de guerre (optiques, blindage). L'Union soviétique remboursera à partir de 1946 par des livraisons de matières premières.

L'Allemagne a conditionné l'octroi de ce crédit à l'engagement de l'URSS de lui livrer sans délai des matières premières (pétrole, platine, coton, bois, céréales, phosphate) dans le cadre de relations commerciales courantes. Les termes de ce partenariat commercial sont les suivants : l'URSS s'engage à livrer des matières premières pour un montant de 180 millions de marks dans les deux années qui suivent la signature de l'accord. En contrepartie, l'Allemagne livrera des produits industriels pour un montant de 120 millions de marks.

Pour le diplomate allemand cet accord est un succès à la fois économique et politique.

Succès économique car le montant des échanges entre les deux pays pour les années à venir s'élèvera à 1 milliard de marks : aux 500 millions déjà mentionnés s'ajoutent 200 millions de livraisons soviétiques pour rembourser le crédit accordé en 1935, 100 millions d'intérêts composés pour les crédits en cours et passés et enfin un montant indéterminé pour les biens qui ne sont pas spécifiés dans l'accord. Il précise qu'il ne tient pas compte des livraisons soviétiques qui seront faites à partir 1946 pour rembourser le crédit accordé en 1939.

Succès politique car sa négociation avec Babarin a permis de renouer des contacts politiques avec l'URSS et que sa conclusion était jugée par les deux parties comme une étape décisive dans la refondation des relations germano-soviétiques.


Discours Molotov

Succès pour l'Allemagne nazie, l'accord de commerce et de crédit l'est aussi pour l'URSS comme l'atteste le discours prononcé le 31 août 1939 par son chef de gouvernement, Viatcheslav Molotov :

"Déjà l'été de cette année, le gouvernement allemand proposa de reprendre les pourparlers de commerce et de crédit. Ces pourparlers furent bientôt repris. Grâce à des concessions réciproques on parvint à un accord. On sait que cet accord fut signé le 19 août.

Ce n'était point le premier accord de commerce et de crédit avec l'Allemagne sous le gouvernement actuel, mais cet accord diffère dans un sens plus favorable non seulement de l'accord de 1935, mais aussi de tous les accords précédents sans parler des accords économiques avec l'Angleterre, la France ou d'autres pays qui n'ont jamais été si avantageux pour nous. L'accord est avantageux pour nous grâce à ses conditions de crédit (crédit de sept ans), et il nous donne en plus la possibilité de commander une importante quantité de matériel dont nous avons besoin. Par cet accord l'U.R.S.S. garantit à l'Allemagne la vente d'une quantité déterminée de nos matières premières en excédent pour son industrie, ce qui est entièrement dans l'intérêt de l'U.R.S.S. Pourquoi refuserions-nous un accord économique si avantageux pour nous ? Serait-ce pour faire plaisir en général à quiconque ne voudrait point que l'Union soviétique réalisât un accord économique avantageux avec d'autres pays ? Or il est clair que l'accord de commerce et de crédit avec l'Allemagne est tout entier dans l'intérêt de l'économie nationale et dans l'intérêt de la défense de l'Union soviétique. Un tel accord répond aux décisions du dix-huitième congrès de notre parti, lequel a approuvé les suggestions du camarade Staline sur la nécessité de « renforcer les relations d'affaires avec tous les pays »".